— Sans doute, dit Lélia froidement, je n’ai pas promis de réussir.
— Mais espères-tu que tu pourras m’aimer enfin ? lui dit-il d’une voix triste et douce qui remua toute l’âme de Lélia.
Elle l’entoura de ses bras et le pressa contre elle avec une force surhumaine. Sténio, qui voulait encore lui résister, se sentit dominé par cette puissance qui le glaçait d’effroi. Son sang bouillonnait comme la lave, et se figeait comme elle. Il avait tour à tour chaud et froid, il était mal et il était bien. Était-ce la joie, était-ce l’angoisse ? Il ne le savait pas. C’était l’une et l’autre, c’était plus que cela encore : c’était le ciel et l’enfer, c’était l’amour et la honte, le desir et l’effroi, l’extase et l’agonie.
Enfin le courage lui revint. Il se rappela de combien de vœux délirans il avait appelé cette heure de trouble et de transports ; il se méprisa pour la pusillanime timidité qui l’arrêtait, et s’abandonnant à un élan qui avait quelque chose de vorace et de fauve, il maîtrisa la femme à son tour, il l’étreignit dans ses bras, il colla sa bouche à cette bouche douce et molle dont le contact l’étonnait encore… Mais Lélia, le repoussant tout à coup, lui dit d’une voix sèche et dure :
— Laissez-moi, je ne vous aime plus ! — Sténio tomba anéanti sur les dalles de la terrasse. C’est alors que réellement il se crut près de mourir en sentant le froid du désespoir et de la honte étrangler tout à coup cette rage d’amour et cette fièvre d’attente.
Lélia se mit à rire ; la colère le ranima, il se releva, et délibéra un instant s’il ne la tuerait pas.
Mais cette femme était si indifférente à la vie, qu’il n’y avait pas plus moyen de se venger d’elle que de l’effrayer. Sténio essaya d’être philosophique et froid ; mais au bout de trois mots il se mit à pleurer.
Alors Lélia l’embrassa de nouveau, et comme il n’osait plus lui rendre ses caresses, elle l’en accabla jusqu’à l’enivrer ; puis elle lui mit sa main sur la bouche, et le repoussa lorsqu’elle le sentit se ranimer et frissonner de plaisir.
— Vipère ! s’écria-t-il en essayant de se lever pour la fuir.
Elle le retint.
— Reviens, lui dit-elle, reviens sur mon cœur. Je t’aimais tant