Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/458

Cette page a été validée par deux contributeurs.
452
REVUE DES DEUX MONDES.

gédie n’était ni dans le goût ni dans les mœurs de la nation espagnole. Mais pourquoi plairait-elle moins que les autres formes du drame à un peuple grave, austère, et qui se presse avec fureur aux spectacles sanglans des courses de taureaux ? D’ailleurs les traductions des belles tragédies étrangères ont toujours été reçues avec enthousiasme. Mais il y a plus, c’est que l’élément tragique domine dans un grand nombre des plus célèbres pièces de la scène espagnole, et que les sujets les plus populaires semblent en général, pour parler la vieille langue, mieux appropriés au cothurne de Melpomène qu’au brodequin de Thalie. Ce n’est donc point le goût, mais la forme même de la tragédie qui a manqué à l’Espagne.

Après l’avènement de Philippe v, lorsque le théâtre du siècle de Louis xiv y pénétra, quelques essais furent tentés par les poètes espagnols pour imiter nos tragiques autrement que par de serviles traductions. De ce nombre furent la Virginia et l’Ataulfo, de Montiano. Plus tard, sous le ministère éclairé du marquis d’Aranda, ces tentatives furent continuées par Fernandez de Moratin, Cadalso et Garcia de la Huerta. Mais leurs ouvrages, quoique estimables, n’étaient point assez saillans pour naturaliser un nouveau genre de drame. Ce ne fut qu’au commencement du présent siècle que Cienfuegos éleva, dans sa patrie, une véritable scène tragique. Il eut pour principal appui le talent du célèbre Isidoro Mayquez, acteur tellement accompli qu’on peut avec justice le comparer à Talma, dont il fut en quelque sorte l’élève ; encore avait-il sur notre grand tragédien l’avantage de réussir également dans tous les genres, même dans la comédie bouffonne. Après Cienfuegos, parurent deux poètes tragiques, encore vivans. L’un est Quintana, auteur d’une tragédie de Pelayo (Pelage), vraiment belle et pathétique, dont les Espagnols, forcés, comme leurs ancêtres, de repousser un dominateur étranger, récitaient les plus énergiques tirades en marchant au combat. L’autre est Martinez de la Rosa, qui débuta aussi par une pièce patriotique, la Veuve de Padilla. Composée pendant le siége de Cadix, cette tragédie de circonstance fut jouée sur un théâtre élevé pour elle. M. Martinez l’a fait suivre d’une Morayma, pièce dans le genre de Mérope, et d’un OEdipe, joué tout récemment à Madrid, dans lequel il a trouvé le secret