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où il y a des archevêques ou évêques, et par ordre de ceux-ci, mais non dans les villages ou dans les lieux vils, et pour gagner de l’argent. »

Le texte de cette loi fait connaître qu’il y avait alors, dans les églises, deux sortes de représentations : les unes, réellement religieuses, n’étaient autre chose que nos anciens mystères ; les autres, semblables à notre fête de l’âne ou des fous, étaient des bouffonneries licencieuses et satiriques. Malgré cette loi des Partidas, malgré les innombrables défenses dont elle fut suivie, l’autorité ne put obtenir qu’on cessât des représentations où la multitude trouvait son plaisir, et les prêtres leur intérêt. Vainement le pouvoir ecclésiastique lui-même crut-il devoir intervenir pour réformer les plus scandaleux abus. Le concile de Tolède, de l’année 1565 (acto no, cap. ii.), « considérant qu’on représentait dans les temples ce qu’on oserait à peine permettre dans les lieux les plus vils et les plus dissolus, » supprima les représentations de la fête des Innocens que souillait une affreuse licence de langage ; il ordonna, en outre, qu’à l’avenir les spectacles fussent examinés d’avance par l’ordinaire, et qu’on ne pût les exécuter dans l’église pendant la célébration de l’office divin. Mariana, qui rapporte le canon du concile de Tolède, dans son traité de Spectaculis, convient qu’il n’eut pas plus d’effet que les prohibitions de l’autorité laïque, et qu’on ne put détruire un abus enraciné par une longue et générale habitude. Au temps même où il écrivait, c’est-à-dire au dix-septième siècle, le désordre n’avait pas cessé. « On introduit, disait-il avec indignation, dans les plus augustes temples, des femmes de mauvaise vie, et l’on y représente de telles choses que les oreilles ont horreur de les écouter, et qu’on éprouve de la peine et de la honte à les redire. » L’Espagne, plus qu’aucun autre pays de l’Europe, a conservé, par une tradition non interrompue, quelques-uns de ses plus anciens usages. Actuellement encore on y célèbre les solennités du carême, et principalement de la semaine-sainte, par de semblables représentations, non moins offensantes pour la religion que pour les bonnes mœurs et le bon goût. J’en ai moi-même été plusieurs fois témoin. On élève dans le chœur de l’église une espèce de théâtre appelé le monument, où se jouent les actes de la Passion, et les nombreux figurans qui s’y succèdent