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DU THÉÂTRE ESPAGNOL.

Au couronnement d’Alphonse iv d’Aragon (1328), il y eut à Sarragosse des représentations dirigées par l’infant don Pedro, frère du roi, dans lesquelles une nombreuse troupe de jongleurs, divisée en coryphées et en choristes, récitait les vers composés par ce prince.

Toutefois ces essais des troubadours n’étaient que la réunion des trois arts qui composaient leur science, la danse, la musique et la poésie, mais sans suite, sans but, sans ordonnance scénique. En Espagne, comme en France, en Italie, en Angleterre, le drame naquit dans l’église. Les cérémonies du paganisme avaient enfanté le théâtre grec ; les cérémonies chrétiennes enfantèrent le théâtre moderne. D’abord on prit l’usage, pour solenniser chaque fête, de mettre en action, aux yeux des fidèles, l’évènement dont on célébrait le souvenir. Les prêtres furent les premiers acteurs de ces représentations édifiantes ; mais ils ne tardèrent pas à y glisser des paroles ou des scènes étrangères à la cérémonie ; puis on vint peu à peu jusqu’à l’oublier entièrement, pour substituer aux saintes imitations quelque farce profane à la manière des jongleurs, et les tréteaux dressés dans les églises en firent des écoles de médisance et de scandale. C’est ce que prouve une loi d’Alphonse x, insérée dans ses Partidas (ley xxxiv, tit. vi, part, 1.) : « Les prêtres, y est-il dit, ne doivent point représenter des jeux de mocquerie (juegos de escarnio), pour que les gens viennent les voir, comme cela se fait. Et si d’autres hommes en représentent, les prêtres ne doivent point y assister, parce qu’on y fait beaucoup de grossièretés et d’indécences. Et ces choses ne doivent pas non plus se faire dans les églises, et nous disons au contraire qu’il faut les en chasser ignominieusement… Mais il y a des représentations permises aux prêtres, telles que la naissance de N. S. Jésus-Christ, et la visite de l’ange aux pasteurs ; la venue du Sauveur au monde, comment les Mages vinrent l’adorer ; sa résurrection, comment il fut crucifié et ressuscita le troisième jour. Des choses comme celles-là, qui excitent l’homme à bien faire et à avoir dévotion en la foi, ils peuvent les faire, et en outre pour que les hommes aient souvenance que, selon celles-là, les autres furent faites en réalité. Mais ils doivent faire cela avec ordre et beaucoup de dévotion, et dans les grandes villes