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REVUE DES DEUX MONDES.

venir ? Bon ! bon ! ceci me convient. (Il boit.) Je suis capable d’ensevelir ma tristesse dans ce vin, ou du moins ce vin dans ma tristesse. Ah ! ah ! les vêpres sont finies ; voici Marianne qui revient.

(Entre Marianne.)
MARIANNE.

Encore ici, seigneur Octave ? et déjà à table ? C’est un peu triste de s’enivrer tout seul.

OCTAVE.

Le monde entier m’a abandonné : je tâche d’y voir double, afin de me servir à moi-même de compagnie.

MARIANNE.

Comment ! pas un de vos amis, pas une de vos maîtresses, qui vous soulage de ce fardeau terrible, la solitude ?

OCTAVE.

Faut-il vous dire ma pensée ? J’avais envoyé chercher une certaine Rosalinde, qui me sert de maîtresse ; elle soupe en ville comme une personne de qualité.

MARIANNE.

C’est une fâcheuse affaire sans doute, et votre cœur en doit ressentir un vide effroyable.

OCTAVE.

Un vide que je ne saurais exprimer, et que je communique en vain à cette large coupe. Le carillon des vêpres m’a fendu le crâne pour toute l’après-dînée.

MARIANNE.

Dites-moi, cousin, est-ce du vin à quinze sous la bouteille que vous buvez ?

OCTAVE.

N’en riez pas ; ce sont les larmes de Christ en personne.

MARIANNE.

Cela m’étonne que vous ne buviez pas du vin à quinze sous, buvez-en, je vous en supplie.

OCTAVE.

Pourquoi en boirais-je, s’il vous plaît ?