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exclusivement nationaux. Comme lui, nous n’admettons ni religions ni philosophies endémiques. Cependant il nous paraît s’être jeté dans quelque embarras, quand il expose comment le saint-siège, n’ayant pu assurer son indépendance au moyen âge, qu’à la faveur d’un établissement temporel, en rapport avec les souverainetés grossières qu’il devait toujours diriger par ses bons exemples, contracta plus tard les vices des pouvoirs énervés par leur opulence ou par les routines d’une autorité devenue trop facile. « Le prêtre était stationnaire, il ne marchait plus à la tête des nations, et l’élément politique avait profité de cette inertie pour ravir à l’élément civilisateur sa suprématie naturelle. »

Mais si telle devait être la destinée de l’église, peut-on la concevoir indépendante de ses intérêts temporels ? N’avait-elle pas aussi son principe destructeur de nationalité, et Luther enfin n’est-il pas justifié ?

« La réforme, dit encore M. de Coux, et après elle la philosophie, se sont enorgueillies des progrès de l’industrie et de la civilisation moderne, de cette industrie qui s’éteint, de cette civilisation qui s’en va. Le moyen âge leur avait transmis une société resplendissante de force et de jeunesse. Qu’en ont-elles fait ? Que sont devenus, entre leurs mains, ces rapports si doux du riche avec le pauvre, du maître avec l’ouvrier, que le catholicisme avait substitués à l’ancien esclavage ? »

Nous répondrons d’abord à cette interpellation de l’auteur par ses propres paroles : « Le prêtre était devenu stationnaire, il ne marchait plus à la tête des nations… »

Quant à la resplendissante jeunesse du moyen âge, aux rapports si doux du riche avec le pauvre, en quel pays, à quelle époque pourrait-on nous montrer le tableau de ce paradis perdu ? Hélas ! le pauvre n’aurait point, pendant des siècles, lutté et marchandé avec son oppresseur ; les communes n’auraient pas échangé tant d’or et de sang contre un peu d’indépendance, si la féodalité, tempérée par le catholicisme, leur avait assuré une si douce existence. Les ligues et les grandes insurrections des communes n’ont-elles pas précédé la réforme ? Il ne faut donc pas lui demander ce qu’elle a fait d’une société qui, depuis si long-temps, témoignait ses souffrances par ses agitations.

M. de Coux indique fort bien que l’engouement de nos pères pour les métaux précieux provenait d’un sentiment d’insécurité qui leur faisait préférer les richesses plus susceptibles d’être cachées ou transportées. C’est à ce préjugé fondé sur la crainte et lui survivant après qu’elle n’était plus motivée, que M. de Coux rattache le système mercantile de Colbert. Il ajoute que « nous devons à la même illusion le réseau de douanes