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ÉCONOMIE POLITIQUE.

des vainqueurs aux vaincus. Le droit des gens, cette base fondamentale de l’économie politique, puisqu’il est nécessaire aux échanges des peuples, aux progrès de leur industrie, date de l’ère chrétienne. Il a été fondé par le prosélytisme pacifique de l’église universelle, substitué pour la première fois aux procédés des conquérans. Avant cette révolution, convertir un peuple, c’était le subjuguer ; les guerres n’avaient qu’un but matériel, circonscrit, et toujours étranger aux intérêts de l’humanité. »

Ici encore, nous croyons que M. de Coux est beaucoup trop exclusif dans son appréciation des bienfaits du catholicisme. La guerre de Troie, les luttes des Pélasges et Ioniens contre la race dorienne, les combats de la Grèce contre l’Asie, les studieuses conquêtes d’Alexandre et tant d’efforts prodigieux de l’antiquité pour faire triompher la jeune civilisation sur les traditions orientales, ne nous paraissent point des guerres purement matérielles. Non-seulement elles intéressaient l’humanité, mais leur succès était peut-être nécessaire à l’établissement même de la société chrétienne. Il est inexact d’affirmer qu’en dehors du catholicisme, il n’y avait de progrès possibles que par l’épée. L’esprit colonial des nations antiques nous montre qu’elles possédaient d’autres moyens. Rome abusait cruellement de ses victoires quand elle éprouva la brillante influence du génie grec. Que d’autres exemples ne voyons-nous pas de l’empire des peuples vaincus sur leurs vainqueurs ! De même que les barbares s’inclinent devant la croix, les Turcomans reconnaissent les lumières supérieures des Califes, dont ils envahissent les provinces, et l’énergie conquérante des Tartares va s’éteindre dans l’immobile civilisation chinoise. Ces sortes d’accidens sont propres à tous les cultes.

Tout en félicitant le genre humain de l’immense révolution qui lui apporta des croyances pures de tout préjugé de castes ou de servitude, nous pensons qu’une telle supériorité sur les croyances antérieures a des causes d’autant plus satisfaisantes, que le sens commun peut les apercevoir,

M. de Coux établit avec sagacité, que plus une religion se soumet à l’intérêt d’un peuple particulier, plus son empire est restreint et tyrannique. Il fait voir comment les successeurs de Constantin, en s’isolant du saint-siège, ont multiplié, par leurs prétentions dogmatiques, les sectes chrétiennes qui, en échange d’une misérable tolérance, aimèrent mieux abandonner l’Égypte et la Syrie à l’islamisme, que de s’asservir à l’orthodoxie impériale.

Tous les schismes et la philosophie elle-même lui paraissent également entachés d’une sorte de despotisme anarchique, caractère des pouvoirs