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REVUE DES DEUX MONDES.

charmant, mais bien fragile. Ah ! mon Dieu, qu’allez-vous me dire ? je l’ai brisé en le prenant.

LUCRÈCE.

Il est brisé ? mon anneau brisé ?

ANDRÉ.

Que je m’en veux de cette maladresse ! mais en vérité, le mal est sans ressource.

LUCRÈCE.

N’importe ! rendez-le-moi tel qu’il est.

ANDRÉ.

Qu’en voudriez-vous faire ? l’orfèvre le plus habile n’y pourrait trouver remède.

(Il le jette à terre et l’écrase.)
LUCRÈCE.

Ne l’écrasez pas ! j’y tenais beaucoup.

ANDRÉ.

Bon, Marguerite vient ici tous les jours. Vous lui direz que je l’ai brisé, et elle vous en donnera un autre. Avons-nous beaucoup de monde ce soir ? notre souper sera-t-il joyeux ?

LUCRÈCE.

Je tenais beaucoup à cet anneau.

ANDRÉ.

Et moi aussi, j’ai perdu cette nuit un joyau précieux ; j’y tenais beaucoup aussi… Vous ne répondez pas à ma demande ?

LUCRÈCE.

Mais nous aurons notre compagnie habituelle, je suppose, Lionel, Damien et Cordiani.

ANDRÉ.

Cordiani aussi !… Je suis désolé de la mort de Grémio.

LUCRÈCE.

C’était votre père nourricier.

ANDRÉ.

Qu’importe ? qu’importe ? tous les jours on perd un ami. N’est-ce pas une chose ordinaire que d’entendre dire : Celui-là est mort ; celui-là est ruiné ? On danse, on boit par là-dessus. Tout n’est qu’heur et malheur.

LUCRÈCE.

Voici nos convives, je pense.

Lionel et Damien entrent.