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Sur ce produit total, les impositions directes et indirectes prélevaient pour le gouvernement plus de 600 millions. Si leur répartition avait eu lieu proportionnellement au revenu, celui-ci n’aurait été réduit que de moitié pour chaque contribuable ; et chaque hectare de terre en valeur aurait donné à son propriétaire, sans distinction de classe, une rente égale au quart de son produit brut. Mais il en était autrement par l’effet des institutions féodales, qui, en 1789, exemptaient encore des plus lourdes taxes les biens de la noblesse et du clergé.

Forbonnais, dans ses recherches sur les finances, estimait qu’en 1760 les terres taillables n’excédaient pas les quatre cinquièmes de celles du royaume. En adoptant cette base, on trouve que, non compris les dîmes et les droits seigneuriaux, les biens privilégiés donnaient un revenu net de 240 millions ; savoir : 70 au clergé et 170 à la noblesse. Les biens imposables produisaient donc 960 millions de revenu ou quatre fois autant ; mais ils supportaient presque entièrement les 600 millions de taxes, et leurs propriétaires n’en obtenaient que 536 millions, qui étaient réduits à 127 millions par les dîmes ecclésiastiques et féodales, le casuel, les logemens militaires et les charges de la milice.

Ainsi, quoique les biens territoriaux fussent inégalement partagés, et que les classes privilégiées n’en possédassent qu’environ le cinquième, les impositions changeaient totalement les effets de ce partage, et les revenus du clergé et de la noblesse surpassaient de plus de moitié ceux que donnaient ensemble toutes les propriétés roturières.

Si, comme il y a lieu de le présumer, l’étendue des terres privilégiées était proportionnelle à leur revenu, leur surface peut être supposée comme il suit :


Hectares. Lieues carrées.
Domaines ecclésiastiques 
3,034,000 1,536
Domaines de la noblesse 
7,366,000 3,728
Étendue des terres privilégiées 
10,400,000 5,264
Étendue des terres imposables 
41,600,000 21,060
Total 
52,000,000 26,325
Domaine royal 
1,708,950 865
Surface du royaume 
53,708,000 27,190


Les propriétés territoriales étaient donc distribuées à peu près ainsi qu’il suit avant 1789.

Les domaines du clergé avaient une étendue égale à celle de la Belgique ou de la Hollande. Leur revenu net était estimé, en 1762, par d’Expilly,