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REVUE DES DEUX MONDES.

— C’est que vous ne me toucherez pas, car je suis très chatouilleuse et rieuse.

— Soit.

— Une, deux, trois, quatre, cinq, six… Comme ils sont brillans vos beaux florins !

— C’est vrai, mais ils vont salir vos jolis doigts.

— Je vais prendre mes gants.

— Ne vous dérangez pas, voici les miens.

— Ils ne m’iront pas.

— Peut-être ?

— Oh ! quelle petite main, est-ce bien la vôtre ?

— Regardez, mesurez-la vous-même.

— Non, j’ai honte.

— Coquette, j’ai la main si faible qu’un enfant la briserait.

— Vraiment, monsieur !

— Essayez, mettez vos doigts entre les miens.

— Oh ! si je pouvais faire crier un homme.

— Quel bonheur, n’est-ce pas ? vous êtes méchante !

— Un peu.

— Quelles peines ces pauvres hommes vous ont-ils faites pour tant leur en vouloir ?

— Aucunes, c’est par instinct ou par pressentiment.

— Avez-vous jamais aimé ?

— Beaucoup, cela vous étonne ?

— Vous êtes si enfant !

— Les femmes ne le sont jamais pour aimer.

— Vous êtes charmante.

— Non, je suis folle.

— Folle à rendre fou, folle que j’aime.

— Vous voulez bien le dire.

— Mais je le pense.

— Comment se peut-il ? vous ne savez même pas mon nom !

— Qu’importe le nom quand je vous vois ?

— Le nom fait beaucoup pour aimer.

— Le nom ! c’est si peu de chose.

— C’est justement pour cela.

— Je ne conçois pas.