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MÉLANGES.

un exemple singulier. « Il y a maintenant, dit le journal, à la batterie de Devil’s-Point, une chatte qui pêche avec une ardeur et un succès remarquable. Chaque jour elle plonge dans la mer, et rapporte dans sa gueule des poissons vivans qu’elle dépose dans le corps-de-garde, pour l’usage des soldats. Elle a à présent sept ans, et fait depuis long-temps l’office d’un utile pourvoyeur. On croit que c’est la chasse aux rats d’eau qui lui a fait surmonter l’aversion qu’ont les animaux de son espèce pour se mouiller ; elle en est venue au point de se plaire dans l’eau autant qu’un chien de Terre-Neuve. Chaque jour elle fait sa promenade sur les rochers qui bordent la mer, épiant les poissons et toujours prête à les poursuivre jusqu’au fond. »

Il est probable que toutes les espèces du genre felis, même les plus grandes, se conduisent comme nous venons de dire que le faisaient les chats lorsqu’ils se trouvent dans des circonstances semblables. Le fait au moins a été constaté pour les jaguars de l’Amérique. « À la Guiane et au Brésil, dit M. Th. Lacordaire, dans un article inséré dans cette Revue (1er  no, décembre 1832), le jaguar fréquente aussi, pendant la nuit, les bords de la mer, près des petites anses où l’eau est tranquille, pour y manger des crabes et y pêcher le poisson, en le faisant sauter à terre d’un coup de patte, lorsqu’il vient jouer à la surface de l’eau. »

Sur le même sujet, je trouve dans mon journal de voyage le passage suivant : « Le 7 mars 1824, nous arrivâmes au village de San-Carlos, situé au confluent de l’Orénoque et du Méta ; nous trouvâmes sur la plage le métis Ciriaco, fondateur du village de San-Simon, mais nous nous arrêtâmes peu de temps avec lui, parce que nous désirions visiter le village avant la nuit.

... Le soir Ciriaco vint nous rejoindre pour savoir ce que nous pensions de son petit établissement ; nous en causâmes longuement et nous eûmes souvent lieu d’admirer son zèle et son intelligence… Lorsque les feux furent allumés, notre conversation changea d’objet par l’arrivée du pilote de la Lancha (bateau à quille), du subrécargue et de deux matelots. Les tigres, éternels sujets des causeries du soir, furent encore mis sur le tapis — Le pilote avait vu, près d’un rapide (randal) de l’Orénoque, une tigresse, qui était accompagnée de ses petits, pêcher aux truites et les saisir dans le bond