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ANDRÉ DEL SARTO.

qu’il était plus jeune que moi ! Je regardais tristement mes pauvres ouvrages, et je m’adressais en moi-même aux siècles futurs ; voilà tout ce que j’ai pu faire, leur disais-je, mais je vous lègue mon ami.

LIONEL.

Maître, un homme est là qui vous appelle.

ANDRÉ.

Qu’est-ce ? qu’y a-t-il ?

UN DOMESTIQUE.

Les chevaux sont sellés, Grémio est prêt, monseigneur.

ANDRÉ.

Allons, je vous dis adieu ; je serai à l’atelier dans deux heures. Mais il n’a rien ? (à Damien) rien de grave, n’est-ce pas ? Et nous le verrons demain ? Viens donc souper avec nous, et si tu vois Lucrèce, dis-lui que je vais à la ferme, et que je reviens.

(Il sort.)


Scène II.


Un petit bois. — André dans l’éloignement.


GRÉMIO, assis sur l’herbe.

Hum ! hum ! je l’ai bien vu, pourtant. Quel intérêt pouvait-il avoir à me dire le contraire ? Il faut cependant qu’il en ait un, puisqu’il m’a donné (il compte dans sa main) quatre, cinq, six…, diable ! il y a quelque chose là-dessous ; non, certainement, pour un voleur, ce n’en était pas un. J’avais bien eu une autre idée, mais…, oh ! mais, c’est là qu’il faut s’arrêter. Tais-toi, me suis-je dit, Grémio, holà, mon vieux, point de ceci. Cela serait drôle à penser ; penser n’est rien : qu’est-ce qu’on en voit ? on pense ce qu’on veut.

(Il chante.)

Le berger dit au ruisseau :
Tu vas bien vite au moulin,
As-tu vu, as-tu vu la meunière
Se mirer dans tes eaux ?

ANDRÉ, revenant.

Grémio, va remettre les brides à ces pauvres bêtes ; il faut reprendre notre voyage ; le soleil commence à baisser, nous aurons moins chaud pour revenir.

(Grémio sort.)