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SALON DE 1833.

C’est bien ainsi que devait être la cour du grand roi. — Je n’approuve pas les tons violets prodigués sur le cou et les épaules des grandes dames. Mais tout en assurant que l’auteur pourra faire mieux, et s’est peut-être contenté trop facilement, je ne puis nier que son ouvrage ne soit le meilleur des salles nouvelles.

Si nous rentrons dans la galerie des trois écoles, en traversant le salon carré, nous trouverons, chemin faisant, plus de morts que de vainqueurs, plus de réputations éphémères que de gloires durables. La Marguerite de M. A. Scheffer n’est qu’une métamorphose pénible d’un talent qui s’épuise à copier successivement tous les maîtres sans jamais chercher l’originalité personnelle. J’avais quelque sympathie pour les têtes exécutées dans le goût de Rembrandt. Cette fois-ci, je ne puis approuver le calque tourmenté de l’école allemande. Copie pour copie, j’aime mieux la précédente. — Les demoiselles Galley, de M. C. Roqueplan, ne sont qu’une peinture agréable, mais rien de plus. — La Jeanne d’Arc, de M. St-Evre, est une composition ingénieuse, remarquable surtout par la finesse des têtes ; mais toutes les figures sont transparentes. Le prologue du Décameron rappelle malheureusement le jardin d’amour de Watteau. À quoi bon traduire le quatorzième siècle dans le style du dix-huitième ? — Je ne veux pas juger MM. E. Delacroix et L. Boulanger sur leur salon de cette année. Je pense, avec l’antiquité, que parfois l’extrême justice n’est qu’une injustice extrême, — Je néglige volontairement les rêves d’amour de M. Guichard, faute de pouvoir pénétrer le sens de ce poème mystérieux. — Les Contrebandiers de M. Jeanron sont un progrès pour ceux qui se souviennent de ses Petits Patriotes. Le ciel est bien ; mais les terreins sont d’une pâte trop molle. Les figures du second plan ne sont pas assez nettement dessinées. — Les Funérailles de Titien, de M. A. Hesse, sont un début heureux, mais ne méritent pas le succès qu’on veut leur faire. C’est un ressouvenir adroit de l’école vénitienne ; mais il n’y a pas de composition, surtout pas de vérité. — Je n’aime pas le Foscari de M. Ziegler ; mais son Giotto est, sans contredit, la meilleure invention du salon. La jambe droite s’incruste dans la jambe gauche. Cimabue ressemble trop à une peinture sur vélin ; mais l’attitude est pleine de grâces, de naïveté, d’attention, de recueillement ; les épaules et les bras sont étudiés à