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PHILOSOPHIE DE SCHELLING.

civilisation primitive ; que se sont écroulés ces grands états, ces immenses royaumes, où l’humanité a brillé tout d’abord de son plus magnifique éclat, et dont il reste à peine quelques débris pour en attester la grandeur.

Dans la seconde période, ce même pouvoir, ce même principe que nous appelons destin, se montre à nous comme la nature. La loi obscure, dans la première période, nous apparaît alors dans toute l’évidence des lois naturelles. Sous l’empire de cette loi, la liberté, la volonté la plus illimitée, sont tenues de concourir à l’accomplissement des desseins, des plans de la nature. Il s’introduit peu à peu une sorte de nécessité mécanique dans le domaine de l’histoire. Cette période semble commencer à l’origine de la république romaine. Dès-lors, en effet, la volonté humaine, se manifestant dans le monde entier par la conquête et la domination, un moment finit par arriver où tous les peuples de la terre furent liés les uns aux autres, où chacun d’eux se trouva en contact avec tous ; où les mœurs, les lois, les sciences, qui jusque-là étaient demeurées au sein de chaque peuple, comme choses n’appartenant qu’à lui seul, devinrent la propriété de tous les autres. Par là, à leur insu, sans qu’ils en eussent conscience, parfois même contre leur volonté, les peuples se trouvèrent concourir à l’exécution du plan de la nature, dont l’entier accomplissement doit être l’établissement d’un lien commun entre tous les peuples, et la fusion de tous les peuples en un état universel. Tous les évènemens de cette époque doivent être considérés comme naturels. La chute de l’empire romain, par exemple, n’est ni tragique ni morale, elle est naturelle, elle est un résultat inévitable des lois de la nature, un tribut payé à ses lois.

Dans la troisième période, enfin, ce même pouvoir que nous avons déjà vu se manifester comme destin et comme nature, se manifestera de nouveau, mais cette fois comme providence. Il deviendra dès-lors évident que ce qui aura paru n’être jusque-là que l’œuvre du destin et de la nature, était seulement l’œuvre de la providence, n’était, pour ainsi dire, que l’aurore de la manifestation complète de la providence.

Quand cette troisième période commencera-t-elle ? nul ne peut le dire encore. La seule chose que nous puissions affirmer dès à