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REVUE DES DEUX MONDES.

LIONEL et CÉSARIO s’avancent.
LIONEL.

Le maître est-il levé ?

CÉSARIO, chantant.


Il se levait de bon matin,
Pour se mettre à l’ouvrage ;
Tin taine, tin tin.
Le bon gros père Célestin,
Il se levait de bon matin,
Comme un coq de village.

LIONEL.

Que d’écoliers autrefois dans cette académie ! comme on se disputait pour l’un, pour l’autre ; quel événement que l’apparition d’un nouveau tableau ! Sous Michel-Ange, les écoles étaient de vrais champs de bataille ; aujourd’hui elles se remplissent à peine, lentement, de jeunes gens silencieux. On travaille pour vivre, et les arts deviennent des métiers.

CÉSARIO.

C’est ainsi que tout passe sous le soleil. Moi, Michel-Ange m’ennuyait ; je suis bien aise qu’il soit mort.

LIONEL.

Quel génie que le sien !

CÉSARIO.

Eh bien ! oui, c’est un homme de génie ; qu’il nous laisse tranquilles. As-tu vu le tableau du Pontormo ?

LIONEL.

Et j’y ai vu le siècle tout entier : un homme incertain entre mille chemins divers, la caricature des grands maîtres ; se noyant dans son propre enthousiasme, capable de se retenir, pour s’en tirer, au manteau gothique d’Albert Durer.

CÉSARIO.

Vive le gothique ! Si les arts se meurent, l’antiquité ne rajeunira rien. Tra deri da ! Il nous faut du nouveau.

ANDRÉ DEL SARTO, entrant et parlant à un valet.

Dites à Grémio de seller deux chevaux, un pour lui et un pour moi. Nous allons à la ferme.