considéré du point de vue historique, c’est-à-dire pratique, ne paraît souvent qu’un progrès rétrograde ou du moins un progrès anti-historique. Nous pouvons en appeler sur ce point à l’histoire des peuples, à celle des Romains, par exemple. Mais il est une autre mesure qu’il semble plus rationnel d’employer. L’objet de l’histoire étant la réalisation successive de la notion du droit, n’est-il pas naturel de mesurer les progrès historiques de l’humanité par le chemin qu’elle aura fait vers ce but final ? Quelque éloignés que nous soyons de ce but, l’expérience nous enseigne, en effet, que nous y marchons. La théorie l’établit à priori. Ce but est enfin un des articles de foi de l’humanité.
Déterminons maintenant le caractère essentiel de l’histoire. Ce caractère consiste en ce que l’histoire unit la liberté et la nécessité. L’histoire n’est possible qu’à la condition d’offrir perpétuellement cette synthèse.
La réalisation universelle et successive de la notion du droit est la condition de la liberté. Hors de là, la liberté n’est plus qu’une étrangère sans patrie sur la terre. La liberté qui n’existerait pas en vertu de l’ordre même des choses, n’aurait qu’une existence précaire. La liberté ne serait alors en réalité que ce qu’elle nous semble être dans la plupart des états modernes, une plante parasite, un accident. Mais cela ne peut être ainsi. La liberté ne saurait être une concession, une faveur. Ce n’est pas en cachette, à la façon d’un fruit défendu, que chacun doit être appelé à en jouir. La liberté doit être garantie par un ordre de choses invariable, immuable comme la nature elle-même.
Cet ordre de choses ne peut être réalisé qu’au moyen de la liberté ; c’est à la liberté que la réalisation en est confiée. Ceci semble en opposition avec ce que nous venons de dire. Comment concevoir en effet qu’un ordre de choses dont l’existence est la condition nécessaire de la liberté, ne puisse pourtant être établi qu’au moyen seulement de cette liberté ; qu’il en soit un produit, un résultat ?