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SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

ce parti, si conforme à la situation de ce malheureux pays, si je ne peux rien pour lui ; si conforme à mes relations domestiques qui ne m’ont pas donné d’enfant mâle, etc.

« Dans ce cas là, je desire obtenir de l’empereur une terre dans la Toscane ou dans le midi à 300 lieues de Paris. Je pourrai y passer une partie de l’année et l’autre à Morfontaine. Les événemens et une position aussi fausse que celle où je me trouve, si éloignée de la droiture et de la loyauté de mon caractère, ont beaucoup affaibli ma santé ; l’âge arrive aussi : il n’y a donc que l’honneur et le devoir qui puissent me retenir ici ; mes goûts m’en chassent, à moins que l’empereur ne se prononce différemment qu’il n’a fait jusqu’ici.


« Je t’embrasse ainsi que mes enfans.


« Joseph. »


Les lettres de Joseph ne parvinrent pas à la reine.

M. Deslandes, qui en était porteur, et qui, pour réparer une santé affaiblie par les fatigues et les veilles, revenait en France avec sa famille, n’arriva pas à sa destination. Le convoi dont il faisait partie fut arrêté, à deux marches de la France, dans le défilé de Salinas, par une des guérilles aux ordres de Mina. Les insurgés massacrèrent l’escorte, s’emparèrent du convoi et le pillèrent. M. Deslandes fut tué en cherchant à protéger sa famille et à conserver les dépêches qui lui étaient confiées. M. Deslandes parlait très bien espagnol ; il voulut recommander sa femme, alors enceinte de sept mois, à un officier insurgé, témoin du pillage de sa voiture ; la pureté de son langage le fit prendre pour un Espagnol et causa sa fin. Un paysan le frappa d’un coup mortel, en l’appelant traydor (traître). Il tomba dans les bras de sa malheureuse femme. Le général Mina, qui arriva comme il expirait, témoigna une profonde affliction de ce funeste événement. Il chercha par des égards empressés à adoucir la position de madame Deslandes, et il la fit mettre en liberté trois mois après, aussitôt que son accouchement et l’état de sa santé permirent de la reconduire aux avant-postes français. La mort de M. Deslandes forme l’épisode principal d’un