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SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

du maréchal. Effectivement, quand plus tard, après l’occupation de Séville, on marcha sur Cadix, les insurgés, secourus par les Anglais, avaient repris confiance ; des munitions et des renforts étaient arrivés de Gibraltar ; l’île de Léon avait été fortifiée, le duc d’Albuquerque (un jour seulement avant l’arrivée des Français) avait réussi à s’y jeter avec une division de huit mille hommes, seul reste de l’armée d’Estramadure. Au lieu d’une entrée triomphale, c’est un siége qu’il fallut faire.

C’est donc à tort que quelques écrivains militaires ont imputé au roi ce retard qui a eu des conséquences incalculables. L’occupation de Cadix, en coupant court à la guerre péninsulaire, aurait sauvé le trône de Joseph et peut-être par contre-coup le trône même de Napoléon. La fortune de l’empereur n’a eu que deux écueils : Cadix et Moscou.

Le caractère, la loyauté, les talens administratifs, toutes les qualités vraiment grandes de Joseph ont été méconnues en France. Ce prince n’y a été jugé que sur les allégations calomnieuses des Anglais et des insurgés espagnols. Sa conduite à Paris en 1814, si peu connue et si mal appréciée, comme je le ferai voir dans la suite de ces mémoires, a été aussi l’occasion de jugemens bien injustes. C’était une rage alors dans un certain monde d’attaquer l’empereur et sa famille : le grand homme était tombé. Les soldats de Napoléon eux-mêmes, qui avaient servi momentanément sous les ordres du roi d’Espagne, ont aussi contribué à répandre des imputations erronées, souvent mensongères, sur Joseph. Parmi les Français, soldats, officiers, généraux, nul ne voulait comprendre quels devoirs de protection et de clémence le titre de chef de la nation espagnole imposait au frère de Napoléon ; nul ne voulait admettre que l’Espagne fût un pays à ménager, l’Espagnol un allié naturel à ramener par de bons traitemens, à conquérir par la douceur. Soit ambition, soit cupidité, soit vengeance, la péninsule leur semblait à tous une proie à dévorer, et ses habitans des brigands à égorger[1]. Il y eut une époque de la guerre (en 1808) où d’hor-

  1. Le maréchal Lefebvre, avec son énergie toute militaire, disait en 1809, au roi Joseph : « Pour arranger les affaires de votre royaume et y assurer la tranquillité, il faut envoyer vos f… Espagnols à tous les