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SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

Un fait peu connu, mais que je puis attester, c’est que M. le maréchal duc de Dalmatie, qui avait remplacé le maréchal Jourdan dans les fonctions de major-général du roi d’Espagne et des armées françaises dans la péninsule, ne partageait ni les espérances ni l’opinion de Joseph. Il trouvait l’expédition trop hasardeuse pour être tentée, tant que l’armée anglaise, échelonnée sur les frontières du Portugal, serait en mesure de profiter du mouvement des troupes françaises vers le midi, pour essayer de se jeter sur Madrid. Les défilés de la Sierra Morena paraissaient redoutables à nos généraux. On avait encore la mémoire frappée de la funeste capitulation de Baylen.

Le roi ne s’était pas dissimulé le danger qu’il y avait à laisser sa capitale à peu près dégarnie de troupes ; mais dans la campagne précédente, il s’était trouvé en face de lord Wellington, et il avait pu étudier le caractère prudent et le système temporisateur du général anglais. Joseph pensait que le corps du général Kellermann suffirait pour contenir l’armée anglo-portugaise et pour l’empêcher de rien entreprendre d’important. Wellington, d’ailleurs, n’avait pas moins à risquer en s’aventurant au centre de l’Espagne, que le roi en marchant sur Séville. En effet, la réserve de l’armée d’Andalousie faisant volte-face et revenant à l’improviste sur ses pas, le général Kellermann se portant par une manœuvre rapide sur le flanc de l’armée ennemie, auraient placé les Anglais entre deux feux. Enfin Joseph comptait sur le caractère du soldat français, si audacieux et si opiniâtre quand il s’agit de marcher en avant. Il avait le pressentiment du succès.

Le maréchal Soult, loin de se rendre à ces raisons, persista dans son avis de ne rien entreprendre ; et, prétextant que l’empereur n’avait point ordonné cette expédition, avant de la commencer, il exigea un ordre écrit du roi.

En quittant Madrid, Joseph se fit accompagner de ses ministres, des principaux officiers de sa maison et de sa garde : il en partit le 8 janvier 1810, et trois jours après, il se trouva à la tête de soixante mille hommes, au pied de la Sierra Morena, dont les crêtes avaient été soigneusement fortifiées par les insurgés.

Le centre de l’armée, composé du corps du maréchal Mortier et