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J’ai depuis eu l’honneur de connaître madame V*** et son mari ; le général m’a toujours paru avoir le menton épilé avec un soin extrême, il était devenu aide-de-camp du roi Joseph.

À nos conversations frivoles, aux anecdotes parfois scandaleuses, se mêlaient aussi des narrations plus sérieuses ; ce qu’on va lire sur la campagne d’Andalousie en offrira la preuve.

Au commencement de 1810, et après la victoire d’Ocaña, l’armée impériale, heureuse dans ses entreprises, était victorieuse sur tous les points : dans la Vieille-Castille, le général Kellermann battait à Alba de Tormès l’armée du duc de Parque, et la rejetait en Portugal ; dans l’Arragon le général Suchet, en Catalogne le maréchal Augereau, remportaient d’éclatans avantages sur l’ennemi. Gironne, après un siège long et meurtrier, venait de tomber au pouvoir des Français.[1]

La junte centrale établie à Séville, ne sachant plus comment continuer une lutte dont le peuple se montrait évidemment fatigué, ni par quels moyens réveiller l’indifférence toujours croissante des Espagnols, annonça la convocation des cortès pour le mois de mars 1810. Joseph en fut averti ; il projeta de la prévenir et de profiter des circonstances, qui étaient favorables à sa cause, pour atteindre et frapper l’insurrection au cœur, espérant que ce dernier succès amènerait une soumission complète. La conquête de l’Andalousie fut résolue.

  1. Le siège de Gironne dura six mois. Le brave gouverneur, qui résista si long-temps avec une faible garnison aux efforts successifs du général Gouvion-Saint-Cyr et du maréchal Augereau, s’appelait don Mariano Alvarez. Il déploya dans sa défense toutes les ressources que peuvent donner un caractère ferme et une grande connaissance de l’art militaire ; il fut parfaitement secondé par la bravoure de la garnison et par le fanatisme de la population. Afin de stimuler la superstition des habitans, et d’encourager leurs efforts, les autorités de Gironne nommèrent, pendant le siège, le saint, patron de la ville, général en chef des troupes espagnoles et gouverneur de la place. Sa statue, revêtue d’un uniforme d’officier-général, fut promenée processionnellement dans les rues de la ville. Cette manifestation singulière, à laquelle M. Alvarez demeura étranger, mais qu’il laissa faire, contribua à retarder de deux mois la prise de la forteresse. La défense de Gironne mérite d’être citée à l’égal de celle de Saragosse.