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contribua puissamment à me faire bien venir d’Unzaga ; la liaison qui s’ensuivit me rendit fort agréables toutes les journées que mon service m’obligeait à passer au palais. Don Luis Mariano de Unzaga appartenait à une des grandes familles de l’Espagne ; il avait une affection réelle pour Joseph, qui le traitait, malgré sa grande jeunesse et l’infériorité de son grade, avec une distinction marquée. Il en était très reconnaissant ; aussi, non content de donner au roi, pendant qu’il a été sur le trône d’Espagne de fréquentes marques de son dévoûment, il a encore fait preuve d’une persévérante fidélité, en le suivant dans son exil en Amérique. Là, après quelques années de séjour, il est mort vivement regretté du prince dont il était devenu l’ami. M. Unzaga, pour la droiture et la loyauté, était un Espagnol des anciens temps. Il ne pensait pas qu’un serment qui avait été prêté sans contrainte pût être rompu sans félonie.

Alors deux aventures récentes servaient de pâture à la malignité des madrilenos ; on en parlait aussi beaucoup dans le salon de service, car elles intéressaient deux officiers hautement placés auprès du roi, l’un, général de brigade français, et l’autre, maréchal de camp espagnol.

La première histoire était fort singulière. Le Français était entré chez sa femme dans un moment où il n’était évidemment pas attendu, et le Français avait agi à l’espagnole : il avait tué sa femme ; procédé passé de mode d’ailleurs, en Castille même, où il n’y a plus de maris jaloux. Dans le midi de l’Europe, les maris ont décidément pris leur parti. Les Italiens se sont faits aux sigisbés et les Espagnols aux cortejos.

Voici donc l’histoire du général français :

Il avait une jolie femme, une femme de trente ans, fort gracieuse et passionnée, spirituelle et point hautaine, deux qualités rares parmi les femmes des généraux français d’alors. Cependant on ne disait aucun mal d’elle ; elle allait à la cour, et y brillait fort ;

    ministre plénipotentiaire de cette république, auprès des états européens. J’ai eu le plaisir de l’y voir en 1831. Sa maison est le rendez-vous des citoyens les plus distingués des républiques hispano-américaines, qui viennent visiter l’Angleterre.