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des aides-de-camp et des officiers d’ordonnance : nous portions les messages du roi aux officiers-généraux français et espagnols résidant à Madrid ; nous étions particulièrement chargés de toutes les communications écrites ou verbales que sa majesté avait à faire aux fonctionnaires de l’ordre civil, ainsi qu’aux dames et aux seigneurs admis à la cour ; enfin, nous accompagnions le roi dans ses promenades et à la chasse.

Nous avions ainsi, avec les personnages distingués de la capitale, d’agréables et fréquens rapports, qui nous initiaient à tous les détails de ces aventures de société, dont la connaissance a tant de prix pour les oisifs des grandes villes ; et, par nos relations journalières avec les officiers de la maison militaire du roi, nous pouvions facilement être au courant des événemens les plus secrets de la guerre et de la politique.

À peine étais-je installé dans notre salon (c’était aussi celui des officiers d’ordonnance), que Joseph me fit appeler dans son cabinet. Il était debout, adossé à la cheminée, où brillait une flamme vive et claire. Il avait l’uniforme des chevau-légers de la garde, que je lui connaissais déjà, mais il ne portait ni plaque ni cordon ; toute sa figure respirait la douceur et la bonté.

Il venait sans doute de dicter quelque lettre à son secrétaire, car en entrant, j’entendis qu’il lui disait : « C’est bien, Deslandes, fermez et cachetez tout de suite. »

M. Deslandes, secrétaire du cabinet, était depuis long-temps auprès du roi ; il l’avait suivi à Naples et en Espagne. C’était un homme actif, habile, travailleur, d’un zèle et d’une discrétion à toute épreuve ; il avait succédé dans le poste de confiance qu’il occupait, à M. le baron Meneval, que Joseph avait à regret cédé à l’empereur, lorsque celui-ci se débarrassa de M. Bourienne.

« — Prenez cette dépêche, me dit le roi, portez-la au maréchal Jourdan, et dites-lui que je l’attends. »

Je pris la lettre et m’inclinai.

Le roi tenait à la main un autre papier plié :

« — Vous passerez ensuite, continua-t-il, chez M. de M***. »

À ce nom, me rappelant involontairement quelques bavardages de mes camarades, je me pinçai les lèvres pour comprimer un sourire qui allait se montrer.