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ches impitoyables, mais rares ; l’enivrement de succès, la sécurité d’une habileté supérieure, endorment trop souvent les scrupules qu’il ne peut détruire. Il sait qu’il pourrait mieux faire, et il s’arrête là où nous le voyons, par insouciance, par paresse, ou peut-être même parce qu’il ne veut pas risquer pour l’approbation entière de quelques esprits difficiles les applaudissemens de la majorité.

Je comprends très bien les motifs qui expliquent la manière actuelle de M. Champmartin. Mais je suis loin de l’excuser, et j’espère qu’il ne persistera pas dans l’insuffisance de son travail. Aujourd’hui qu’il est assuré de la popularité, que l’attention et la déférence ne peuvent lui manquer, après le plaisir du succès, il voudra se donner la joie de la conscience. Il sera, malgré lui, ramené à traiter plus librement et plus vraiment les mains et les yeux, qu’il sait traiter selon le goût du public. Il est descendu vers la foule et s’est fait comprendre d’elle  ; il est temps qu’il s’en sépare, qu’il remonte à son isolement, à sa volonté personnelle et première, et qu’il la force de venir à lui.

Madame L. de Mirbel offre à la critique pittoresque un sujet d’études du plus haut intérêt. Depuis six ans surtout, elle n’a pas cessé un seul jour de chercher le mieux, et souvent ses efforts ont été couronnés de succès. À dater du salon de 1827, elle s’est bien nettement séparée, par la franchise et la hardiesse de sa manière, des traditions de la miniature. Elle a tenté dans son art, si étroit en apparence, une révolution complète et décisive. Elle a voulu élever au rang de la peinture ce qui jusqu’à elle n’était qu’un jeu d’adresse et de patience. Tout au plus estimait-on un portrait sur ivoire à l’égal d’un bracelet ou d’un collier habilement travaillé. On s’occupait puérilement de la ressemblance littérale de la tête, de la richesse de l’encadrement ; on avait grand soin de placer au-dessous une boucle de cheveux de la personne aimée. Mais de l’expression intime du regard et des lèvres, de la solidité de l’exécution, de la logique des lignes, de l’arrangement, du sacrifice des détails mesquins, de l’exagération préméditée des masses importantes et significatives, personne ne soupçonnait qu’on pût s’en occuper à propos de miniature. On ne croyait pas que dans une besogne de cette nature il pût être question d’art sérieux. C’est à madame L. de Mirbel qu’appartient l’honneur entier de cette rénovation. C’est à elle que