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diens, tantôt sauvages, tantôt civilisés, mais, sous toutes les formes, inférieurs à notre race, éternellement enfans, presque toujours victimes ; que l’on montrât ces paulistes, géans aventureux, qui, se jouant de tous les périls, franchissaient des déserts comme nous parcourons des pays pourvus de toutes les commodités de la vie, et qui non-seulement étaient poussés par la soif de l’or et la cruelle passion de la chasse aux Indiens, mais aussi, n’en doutons pas, par un amour romanesque pour le merveilleux et le désir de répandre quelque gloire sur leur pays et leurs familles !

« Combien il serait intéressant de voir les paisibles habitans des Açores déroutés dans leurs habitudes par les nouvelles influences qui les environnent, forcés peu à peu à y renoncer et conduits à adopter celle du Tartare ou du Bédouin, dont le modèle était pourtant si loin d’eux ! Quel charme pourrait avoir le récit de ces guerres toutes de stratagèmes, où nos règles deviennent inutiles, où le cri du vanneau a quelquefois trahi les plans les mieux concertés, où le soldat n’est point là seulement pour faire nombre, mais où il peut déployer toute sa valeur d’homme, celle de son intelligence et de sa force physique ! Ces combats si petits par le nombre des combattans, si grands par leur courage, formeraient un contraste avec le tableau des missions de l’Uruguay, oasis de paix et de bonheur, où se réalisèrent un instant les rêves qu’oserait à peine former l’imagination du plus ardent philanthrope.

« Une heureuse opposition résulterait encore de l’audace des guerriers demi civilisés du Brésil et de l’Espagne avec la politique profonde de ces religieux qui surent pendant quelque temps conjurer l’orage formé contre les religieux devenus leurs enfans. Au milieu de tant d’hommes remarquables par la singularité et la diversité de leurs mœurs, ressortiraient encore quelques figures à traits plus fortement prononcés, celle de ce Ceballos, animé par une haine implacable contre les Portugais ; de ce Bohon auquel rien n’échappait, qui combinait toutes ses opérations avec autant de promptitude que d’habileté, et qui à peine laissait de loin en loin échapper quelques mystérieuses paroles ; de Jose Borges do Canto, déserteur qui, pour se réhabiliter, conquiert une province avec une poignée d’hommes sans armes, sans munitions, faisant croire par sa prodigieuse témérité qu’une armée nombreuse est derrière