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POÉSIE D’ANTONY DESCHAMPS.

En transcrivant ces vers qui respirent quelque chose de la grandeur du Vatican, nous regrettons vivement que cette suite de tableaux, qui devaient nous montrer dans leur vérité poétique les campagnes et les villes d’Italie, n’ait point été achevée ; nous le regrettons pour l’auteur et pour l’Italie elle-même. Puisque cette mère de notre civilisation, cette mère de Dante, de Raphaël, de Galilée, de Machiavel, de Christophe Colomb, de mille autres, ne peut plus faire entendre sa voix, opprimée qu’elle est par la force matérielle et brutale, il faudrait qu’une voix étrangère et généreuse, en rappelant sa fécondité passée, nous apprît quelle noble famille de penseurs et d’artistes, cette terre inépuisable tire encore de son sein, d’artistes comme Cimarosa, Canova, qui viennent de mourir, comme Rossini, Bartholini, qui tiennent en Europe le sceptre de leur art ; de jeunesse dévouée, comme celle qui se fait tuer à Bologne, ou meurt longuement et sans apostasier au fond des cachots. Alors finiraient ces vanteries de gens qui n’ont vu qu’eux-mêmes et s’admirent, ou les risées barbares de ces voyageurs qui vont profaner la beauté nue de cette Andromède enchaînée au bord des mers.

Mais les poètes ont des instincts sublimes ! Dans ce fragment tout dantesque qu’on a lu, dans ce Pianto mélancolique que l’auteur des Iambes a laissé tomber en repassant les Alpes, il y a plus qu’une élégie sur les splendeurs éteintes de Rome et de Florence ; il y a le pressentiment d’une lumière qui pointe. Qu’elle brille, et la France la saluera. La France, qui a fait un tout homogène de tant d’élémens contraires, la France entre le nord et le midi, avec sa double race, sa langue mi-latine et mi-franque, la France qui ne rejette rien et fait tout sien, réchauffera son sol humide à ce rayon d’Italie ; peut-être il y a long-temps qu’elle se retrempe aux neiges glacées qui lui viennent du nord.

H.