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REVUE. — CHRONIQUE.

s’attendre aux boutades puériles, aux enfantines bouderies de son ancien ami. Il connaissait de longue main son irritabilité maladive, sa résistance opiniâtre à toute contradiction, si modérée qu’elle fût. Et aussi a-t-il fait preuve d’une résignation honorable et d’une politesse parfaite. Réveillé à deux heures du matin pour apprendre sa destitution, il ne s’est pas présenté au chevet du ministre malade pour demander justice et réparation ; il saura bien attendre ; quand le temps sera venu, il n’aura qu’un mot à dire pour revendiquer son droit. Il n’aura qu’à lire d’une voix paisible et claire la loi que M. Guizot ignorait, sans doute, quand il a voulu l’appliquer. S’il fallait en croire l’Excellence, elle pourrait congédier un conseiller de l’Université, et n’aurait pas la faculté de renvoyer un maître d’études. Est-il pardonnable d’avoir publié de si savantes leçons sur les codes ripuaire et bourguignon, et de ne pas soupçonner les arrêtés universitaires quand on veut être grand-maître ?

Il faudra bien que M. Guizot plie et se soumette, qu’il retire son ordonnance, ou qu’appelé devant le conseil d’état, il y vienne en bottes, la cravache à la main, comme l’élève de Mazarin et d’Anne d’Autriche, pour tancer ses juges.

Mais comment M. Thiers se relèvera-t-il ? Que va-t-il faire de cette ingénieuse conspiration, si adroitement préparée, si comblée de larmes et de félicitations, de réconciliations et de dévoûmens, si utile en son temps, et si embarrassante aujourd’hui ? Après avoir tranché, pendant quelques semaines, du Frontin, du Mascarille et du Figaro, après avoir publiquement annoncé que les valets de Regnard, de Molière et de Beaumarchais n’étaient que des écoliers misérables, et qu’il en savait plus qu’eux tous, comment se tirera-t-il de ce mauvais pas ? Le chemin est glissant, et le pied d’un mulet pourrait à peine s’y tenir sûrement. Étourdi, vantard, gaspilleur de lui-même, protée inconstant qui se souvient un jour des promesses de M. de Calonne, et le lendemain des hardiesses de Mirabeau, comment jettera-t-il les ténèbres dans cette lumière importune, qui dessille les yeux et le menace de confusion ?

Il avait trouvé une Jeanne d’Arc chargée, comme son illustre aïeule, d’une mission céleste, prédestinée à sauver la monarchie, et voici que des amis indiscrets expliquent par des raisons très humaines le courage héroïque de mademoiselle Boury. Elle a détourné le bras qui allait frapper sa majesté pour acheter une auberge ; vit-on jamais pareille impertinence ? Encore si elle eût soutenu jusqu’au bout le rôle de la vierge de Vaucouleurs ! mais, non, elle chancèle et pâlit. Ses yeux noirs ne se lèvent plus qu’avec timidité sur l’auditoire étonné. Son front s’incline. Elle désavoue