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sublime, à l’harmonie des sphères célestes et aux chants de joie des bienheureux. — Le poème de Dante a un grand intérêt pour qui prend ce mot dans son acception le plus idéale, il nous attache comme l’Hamlet de Shakespeare, comme le Faust de Goëthe, par la profonde observation du cœur de l’homme et par la philosophie sublime qu’on y rencontre à chaque vers. »

Voilà quant au fond. — Quant à la forme, le traducteur ajoute : « La manière d’Alighierri a quelque chose d’arrêté, de précis, qui rappelle les figures découpées sur un fond d’or de ce Giovanni da Fiesole, qui semble le peintre du paradis, comme Michel-Ange est celui de l’enfer. Locutions dantesques, répétitions de formes, expressions latines, nous avons tout reproduit scrupuleusement, comme en faisant une traduction de l’Iliade, nous aurions respecté les épithètes sacramentelles et ces belles manières de dire homériques qui donnent tant de caractère au style. »

Cette façon d’exécuter le travail répondait au sentiment vrai et compréhensif qui l’avait inspiré. Comme le vieux Grangier, lequel publia en France la première traduction de la Divine comédie, il fallait de nos jours se faire poète catholique en traduisant un poète catholique, il fallait passer par-dessus tous les développemens que l’art a reçus depuis le quatorzième siècle, négliger les formes plus viriles qu’il a déployées en grandissant, et retrouver la naïveté primitive de son enfance ; il fallait que le poète français fût à son modèle ce que dans ses fresques de Santa-Maria Novella le peintre-moine Orcagna avait été à Dante, son contemporain et son ami. Ainsi qu’il nous l’apprend lui-même, ç’a été là l’effort et le but de M. Deschamps. Quelle qu’ait été la fortune de sa traduction, il nous paraît être arrivé à cette recomposition de l’ensemble, à cette exactitude générale qu’aucun ouvrage de ce genre n’avait encore obtenue. Toutefois, on regrette que cette traduction n’embrasse pas tout Dante, et, comme l’a dit si bien un poète qu’on ne saurait non plus suppléer dans la critique, il est malheureux que M. Antony Deschamps nous laisse ainsi privé de notre guide dans ce rude et tortueux sentier de la Divine comédie.

Dans l’intention de cet article, peut-être nous serait-il permis de le clore ici, content d’avoir rappelé comment, il y a quelques années, M. Deschamps, selon ses propres expressions, vint ap-