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observations. J’ai d’abord été frappé d’un groupe de jeunes gens, élégans, coquets, placés vers le milieu du cadre. Ce qu’ils veulent et ce qu’ils pensent, je n’en sais rien. Ils s’occupent, je crois, à faire bonne figure. Un second regard, plus attentif et plus pénétrant, découvre parmi eux une tête plus fine, plus accentuée, et qui a bien quelque ressemblance lointaine avec les portraits de Raphaël. C’est là j’imagine le noyau de la composition : c’est Raphaël au milieu de ses élèves. Le maître tient un crayon et paraît dessiner ; mais, chose singulière, ses yeux au lieu de suivre les traits de son crayon, ou d’épier les lignes et les contours d’un visage, vont au-devant du public, sans plus. Où est le modèle qu’il copie ? Ce n’est pas une chose facile à deviner. Pourtant je découvre à gauche une femme endormie, qui tient un enfant ; il est vrai que placé comme il l’est, le peintre ne la voit pas ; mais cependant je suis forcé de croire que c’est d’elle que son crayon s’occupe ; comment ? Je n’en sais rien, apparemment par divination ; car à coup sûr ce ne peut être le groupe de femmes assises à droite, plus éloignées encore de la direction de ses regards.

Je dois donc croire jusqu’à présent que le sujet réel du tableau, empreint d’une simplicité italienne ou flamande, n’est autre que Raphaël au milieu de ses élèves.

Que signifie cette figure à mi-corps, enfouie dans la bordure, coiffée d’un bonnet rouge, et portant l’écorché de Michel-Ange ? Serait-ce, par hasard, l’auteur du Jugement ? À vrai dire, la médaille qui porte son nom, et qu’on lui attribue, ne ressemble guère à ce personnage ; et si, du caractère extérieur et visible, nous passons à la physionomie morale, est-ce bien là ce vieux tailleur de pierre qui déplore dans ses sonnets la douloureuse solitude de son génie, et qui, près de quitter la terre, doute pour la première fois de la religion de toute sa vie, du Dieu de toutes ses journées, de l’art qu’il a dévotement servi ? Non ; mais disons oui pour un instant.

Que fait ce nouvel acteur ? À qui s’adresse-t-il ? À Raphaël qu’il ne voit pas et qui ne le voit pas ? Que penser ? D’ordinaire les gens qui se parlent se regardent. Or, ici, je vois tout simplement quelqu’un qui s’en va, et quelqu’un qui demeure ; d’interlocuteurs, il n’y a pas trace.

Après ces premières et rapides études, les yeux vont plus avant