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IMPRESSIONS DE VOYAGES.

exagérée des objets que l’on a sous les yeux. De la croix de Flegère nous apercevions, comme si une heure de chemin seulement nous en séparait, la petite maison blanche au toit rouge qui s’élève dans l’échancrure du col de Balme, et qui cependant est éloignée de quatre lieues à peu près, distance à laquelle il serait impossible de la distinguer dans nos plaines. La première aiguille et le premier glacier qu’on aperçoit en commençant l’inventaire des sommités que l’on a devant soi, sont le glacier et l’aiguille du Tour. L’aiguille du Tour s’élève de sept ou huit mille pieds au-dessus du niveau de la mer.

Viennent immédiatement après le glacier d’Argentières et l’aiguille du même nom, qui s’élance, noire et aiguë, à la hauteur de douze mille quatre-vingt-dix pieds ; puis l’Aiguille-Verte dont la tête, toute couverte de neige, semble le géant de la ballade qui arrête les aigles dans leur vol, et heurte les nuages de son front. Elle dépasse de six cents pieds la tête de sa sœur, l’Aiguille d’Argentières.

Après elle et en face de vous, s’appuyant au pied de l’aiguille rougeâtre du Dru et aux flancs du Montauvert, la mer de glace déroule son vaste tapis, dont les ondulations solides, à peine visibles de la place où l’on se trouve, deviennent de petites montagnes quand on les mesure de leur base.

Les cinq aiguilles qui se succèdent, sont celles des Charmeaux, du Grepont, de la Bletière, du Midi, et du Mont Maudit. La plus petite a neuf mille pieds.

Puis enfin vient la sommité la plus élevée du Mont-Blanc, haute selon André de Gy, de quatorze mille huit cent quatre-vingt-douze, selon Tralles, de quatorze mille sept cent quatre-vingt-treize, et selon Saussure, de quatorze mille six cent soixante-seize pieds, et de laquelle pendent, jusque dans la vallée, les glaciers des Bossons et de Taconnay.

En face de cette famille de géans aux têtes blanchies, on se fait tout d’abord cette question :

La cime de ces montagnes a-t-elle été de tout temps couverte de neige comme elle l’est en ce moment ?

Nous allons essayer d’y répondre.

Deux théories se disputent la formation de la terre : la théorie neptunienne, la théorie vulcanique.