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IMPRESSIONS DE VOYAGE.

lingots, se mit, en sifflant, à mesurer une charge de poudre double de celle que l’on met ordinairement dans une carabine.

— Il paraît que tu prendras ton fusil de munition, dit François.

— Un peu ! trois lingots de fer sont plus sûrs qu’une balle de plomb.

— Cela gâte la peau.

— Cela tue plus raide.

— Et quand comptes-tu faire ta chasse ?

— Je te dirai cela demain.

— Une dernière fois, tu ne veux pas ?

— Non.

— Je te préviens que je vais chercher la trace.

— Bien du plaisir.

— À nous deux, dis ?

— Chacun pour soi.

— Adieu, Guillaume !

— Bonne chance, voisin !

Et le voisin, en s’en allant, vit Guillaume mettre sa double charge de poudre dans son fusil de munition, y glisser ses trois lingots et poser l’arme dans un coin de sa boutique. Le soir, en repassant devant la maison, il aperçut sur le banc qui était près de la porte Guillaume assis et fumant tranquillement sa pipe. Il vint à lui de nouveau.

— Tiens, lui dit-il, je n’ai pas de rancune. J’ai trouvé la trace de notre bête ; ainsi je n’ai plus besoin de toi. Cependant je viens te proposer encore une fois de faire à nous deux.

— Chacun pour soi, dit Guillaume.

C’est le voisin qui m’a raconté cela avant-hier, continua mon hôte, et il me disait : — Concevez-vous, capitaine, car je suis capitaine dans la milice, concevez-vous ce pauvre Guillaume ? Je le vois encore sur son banc, devant sa maison, les bras croisés, fumant sa pipe, comme je vous vois. Et quand je pense enfin !!..

— Après, dis-je, intéressé vivement par ce récit qui réveillait toutes mes sympathies de chasseur.

— Après, continua mon hôte, le voisin ne peut rien dire de ce que fit Guillaume dans la soirée.

À dix heures et demie, sa femme le vit prendre son fusil, rouler