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ou pampas qui caractérisent le pays, et dont la surface unie comme celle de la mer, couverte de riches pâturages et dépourvue de forêts, semble, ainsi que les steppes asiatiques, inviter l’homme à la vie pastorale. De là deux peuples divers, pour ainsi dire, dans la République Argentine : l’un, renfermé dans l’enceinte des villes, livré au commerce, à l’industrie, à la plupart des arts de la civilisation, et que rien ne distingue des habitans de l’Europe ; l’autre, répandu dans la campagne, portant un costume particulier, ayant ses usages propres, et abandonné à toutes les passions de l’homme à demi sauvage. Ce dernier se compose de ces gauchos, dont le caractère prononcé et original n’a pas encore été étudié avec tout le soin qu’il mérite, malgré les renseignemens précieux que contiennent les voyages de Miers, Head, Schmidtmeyer, mistriss Graham, et plus anciennement les ouvrages de d’Azzara.

On trouve dans les mêmes auteurs des détails assez étendus sur les estancias, mais incomplets à certains égards. On regrette, en les lisant, qu’ils n’aient pas donné plus d’importance et d’attention à cette base de l’existence d’un pays, livré, il est vrai, depuis trop long-temps à tout ce que les ambitions particulières les plus effrénées peuvent enfanter de désordres et d’anarchie, mais qui n’attend qu’un peu de repos pour monter au premier rang des nouveaux états de l’Amérique du Sud. Ce qui suit est le résumé de notes prises sur les lieux pendant un assez long séjour, fait à des époques différentes ; j’en ai retranché les détails déjà connus ou qui n’ont qu’un médiocre intérêt à de telles distances. Bien que recueillies principalement dans la province de Buénos-Ayres, elles peuvent s’appliquer à toutes les estancias de la République, la manière de les diriger étant partout la même.

La surface immense des pampas n’est pas abandonnée, en droit, au premier venu qui veut s’y établir. Toutes les terres non occupées forment le domaine public de chaque province, et il faut s’adresser à leur gouvernement pour en obtenir la concession. Pendant long-temps, dans la province de Buénos-Ayres, cette concession a été complète, c’est-à-dire qu’elle entraînait la propriété absolue du fonds ; mais, depuis plusieurs années, le gouvernement ne les donne plus qu’à bail emphytéotique pour l’espace de vingt ans, à l’expiration desquels on renouvelle sa demande si on veut obtenir une