Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/573

Cette page a été validée par deux contributeurs.
567
REVUE. — CHRONIQUE.

Inégale au milieu du blâme et des risées,
Tu poursuis ton amour, ton progrès et ton Dieu.


Bien des fois, ô mon Ame, a mué ton plumage ;
Toujours il repoussa plus puissant et plus beau,
Toujours ton aile ardente, échappée à l’orage,
Par un jet plus hardi répara son lambeau.


Aujourd’hui bien plus vaste est ta course nouvelle,
Le rivage où tu tends doit être le meilleur ;
Car tu saignas beaucoup à rajeunir ton aile,
Et le temps fut pour toi comme un rude oiseleur.


Va donc, et laisse au loin les ronces dispersées,
La paille du vieux nid, les chansons du loisir ;
Qu’il ne te reste rien des anciennes pensées,
Rien qu’un germe fécond de vie et de desir.


Tout change autour de nous, tout finit et commence ;
Les temples sont déserts et les trônes s’en vont ;
À toi de saluer sous le linceul immense
Le siècle nouveau né qui porte un signe au front !


Devance l’univers en sa métamorphose ;
Beaucoup sont suscités pour la prophétiser ;
Tu peux en être aussi, mon Ame ; ose donc, — ose ; —
Sais-tu tout ce qu’un Dieu t’inspirera d’oser ?


Toute âme, toute vie a son rôle en ce monde ;
À l’une est le sillon, à l’autre sont les mers ;
À toi, noble insensée et la plus vagabonde,
De semer en volant le bon grain dans les airs !


Sans doute, et je l’espère, un jour apprivoisée,
À l’autel de ce Dieu que tous viendront bénir,
Dans un bosquet du temple, heureuse et reposée,
Tu chanteras en chœur l’immortel avenir.


Initiée alors, toi qui n’es qu’à l’entrée,
Toi qui d’hier à peine as brisé tes barreaux,