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BECERRILLO.

mer dans le plus petit espace possible le plus grand nombre de faussetés.

Bérécillo ! ah ! monsieur de Paw, si, avant d’écrire sur les Espagnols, vous aviez pris la peine d’apprendre leur langue, vous vous seriez du moins épargné cette bévue, et vous auriez trouvé dans le mot correctement écrit une foule de renseignemens que vous n’y soupçonniez pas. Pour moi, sur cette seule donnée, je me rendrais garant de la force du chien comme de sa vaillance. Je ne craindrais pas d’affirmer qu’élevé loin des villes, il avait appris de bonne heure à supporter les fatigues et les privations, et qu’avant de combattre des hommes, il s’était mesuré maintes fois contre de sauvages taureaux.[1]

Pour tout ce qui se rapporte aux premières années de Becerrillo, comme pour ce qui tient à l’enfance du grand Pizarre, nous sommes réduits à de simples conjectures. L’histoire ne nous les montre tous les deux que guerroyant en Amérique ; mais, à partir de cette époque, les détails ne manquent pas, et les chroniqueurs mêmes, contre leur ordinaire, ont pris le soin de nous laisser un portrait de l’un et de l’autre.

On trouve dans une foule d’écrivains du seizième siècle des détails sur Becerrillo. N’en voulant présenter que de biens authentiques, je me contenterai de rapporter le passage suivant, emprunté aux mémoires d’un homme qui arriva aux Antilles trois ans seulement après la mort du célèbre chien.

« J’ai toujours pensé, dit notre auteur avec sa bonhomie accoutumée, qu’un historien ne remplissait qu’imparfaitement sa tâche, si, après avoir parlé des actions mémorables des hommes, il ne disait aussi ce que certains animaux ont fait d’extraordinaire et de digne d’éloges. Par ces récits, non-seulement il satisfait notre curiosité, mais encore il excite notre émulation ; il fait naître en nous

  1. Becerrillo, diminutif de becerro qui signifie un jeune taureau, est un de ces noms que les pâtres, en Espagne, donnent fréquemment aux chiens qui veillent avec eux sur les grands troupeaux de bœufs. Becerrillo, comme son nom l’indique, avait été élevé pour les travaux champêtres, les circonstances en firent un conquérant. Son fils, au contraire, fut, dès l’origine, destiné au métier de la guerre et fut salué, à sa naissance, du nom de petit lion, Leoncico.