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REVUE. — CHRONIQUE.

mens douloureux de la société, ressentent l’enfantement d’un ordre nouveau, y aident de grand cœur, mais ne croient pas qu’il soit donné à une formule unique et souveraine de l’accomplir : car le temps de ces découvertes magiques est passé ; un fiat lux social n’est possible qu’à l’aurore ; et aujourd’hui le progrès humain se fait sous le soleil, avec force sueurs, par tous, moyennant, il est vrai, quelques guides de génie, dont aucun pourtant n’a le droit de se croire indispensable. Or, les esprits qui jugent de la sorte, ont un rôle à jouer dans l’effort commun ; ils ont à exciter ceux qui doutent d’une issue, à tempérer, à ne pas suivre ceux qui voient à chaque pas un labarum ; ils ont à multiplier les points de vue de l’histoire, les documens de l’érudition, les variétés réelles, innombrables, qui déconcertent les unités étroites et factices ; ils ont aussi à rappeler, d’autres fois, le but futur, la grande unité sociale, vague encore, complexe, et inégale toujours, où évidemment le siècle s’achemine. Ils ont enfin à ne pas laisser dépérir, dans ces routes pénibles, les facultés délicates, brillantes ou tendres, oublieuses d’ici-bas, l’imagination, l’âme, l’art et toutes les cultures qu’il suggère. Or, c’est une pensée semblable, une pensée de bon sens, d’étude, de tolérance, de progrès laborieux et aussi d’agrément, qui anime l’ensemble de la Revue ; c’est là son genre d’unité, et elle tâchera de s’y affermir de plus en plus, au milieu de tant d’assertions téméraires et de promesses ambitieuses.

Les trois grandes questions qui travaillaient, il y a quinze jours, l’Orient, l’Amérique du Nord et la vieille Angleterre, sont encore pendantes. Ibrahim, qui ne croit guère à la vertu efficace des protocoles, a fait preuve de sens, en marchant de Koniah sur Seutari ; un pied dans le Bosphore, n’étant séparé du divan que par ce détroit que les amoureux et les poètes traversent à la nage, il est plus certain de se faire entendre. — Aux États-Unis, tout espoir d’un accommodement entre la Caroline du sud et le congrès n’est pas évanoui ; on se prépare pourtant des deux côtés, comme pour une lutte sanglante, et les milices sont sous les armes. Les volontaires irlandais ne se disposent pas non plus à se dissoudre : le bill pour la réforme de l’église d’Irlande qu’a présenté lord Altorp, à la Chambre des communes, avait fait naître des espérances de conciliation que le bill de répression, présenté par lord Grey à la Chambre des lords, a promptement dissipées. L’Irlande, menacée d’une véritable mise hors la loi, a l’allure plus effervescente, plus insurrectionnelle que jamais. Le fait européen actuel le plus décisif est là.

Le fait parisien et français, le plus capital, le plus caractéristique, depuis quinze jours, ce n’a été ni l’abandon à la dérobée de la loi sur l’état de siège, ni l’espèce de triomphe oratoire de M. de Broglie devant