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est, à mon avis, le meilleur ouvrage sorti de son ciseau. Les lignes sont charmantes, et dans la statuaire c’est un grand point. Chaque morceau pris en lui-même est plein de grâce et de souplesse. Le torse est divisé en plans jeunes, choisis, élégans. Si l’auteur avait voulu renouveler la supercherie de Michel Ange et enterrer son marbre, il n’eût tenu qu’à lui d’abuser les antiquaires et de placer sa création parmi les monumens de la belle sculpture grecque. Sa statue de Rousseau ne me plaît pas autant. Je dirai pourquoi.

Barye, qui continue laborieusement ses études zoologiques, créateur d’un genre dans lequel l’antiquité a laissé peu de monumens, expose un lion magnifique qui se place d’emblée à côté des beaux fragmens d’Olympie récemment retrouvés. Il trouve dans son ébauchoir la même finesse et la même vérité que Landseer. Nous aurons des critiques très sérieuses à développer sur cette œuvre capitale. Nous rechercherons jusqu’à quel point la statuaire peut négliger les grandes masses, c’est-à-dire se passer d’exagérations et de sacrifices.

Un groupe de M. Étex, la famille de Caïn après le meurtre d’Abel, mérite une attention toute spéciale. Nous aurons à examiner quelles sont dans la statuaire les limites de L’expression, jusqu’à quel point le laid peut servir à traduire l’horreur. Nous discuterons les lois de combinaison qui doivent présider à l’exécution d’un groupe, et aussi quelles inflexions musculaires, abordables dans la peinture, doivent être bannies du domaine de la statuaire. D’avance nous pouvons assurer qu’il y a dans ce groupe des portions très remarquables. M. Étex a dignement profité de son séjour en Italie. Il serait fort à souhaiter que tous les pensionnaires de l’académie prissent exemple sur lui.

Une statue, fondue à cire perdue par Honoré, de M. Duret, se distingue plutôt par la réussite du procédé que par l’importance de l’œuvre en elle-même. Il est visible que l’auteur se contente trop facilement, et a pris au sérieux le succès de son Mercure ; il a eu le tort très grave d’estimer pour une invention personnelle un pastiche assez adroit de réminiscences antiques.

J’éprouve un plaisir très vrai à louer deux jeunes gens, qui, par leur persévérance et la grâce toute spéciale de leur manière, peuvent prétendre à de légitimes encouragemens ; j’entends parler de