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REVUE DES DEUX MONDES.

La peinture de paysage et de marine sera, comme d’ordinaire, la plus nombreuse et la plus variée. Nous reverrons en présence les deux écoles, représentées par les maîtres décrépits et les courageux novateurs, fils de leurs œuvres et disciples de leur pensée. J’en ai la ferme espérance, le public se prononcera pour la génération qui s’avance et qui grandit. M. Watelet entrera tout entier dans l’oubli et le dédain. Les curieux les plus superficiels passeront indifférens devant ses toiles glacées. MM. Paul Huet, Charles de Laberge, Eugène Isabey, Aligny, Édouard Bertin, obtiendront la sympathie et les louanges qui sont dues à leurs études persévérantes. Nous verrons si M. Camille Roqueplan prend son art un peu plus au sérieux que par le passé. Il serait fâcheux qu’il persistât dans la voie où il s’était engagé. Il ne doit pas s’en tenir à ses faciles improvisations. Sa vive intelligence de la nature extérieure l’appelle à de plus sérieuses destinées.

M. Gudin se relèvera-t-il ? A-t-il consenti à choisir dans ses voyages autre chose que des soleils levans ? A-t-il senti la nécessité de donner à ses figures des formes humaines et intelligibles, à l’eau de la légèreté, de la transparence, à l’horizon des lignes ondulées, successives, poétiques ? Je le souhaite de tout mon cœur.

Entre les noms que j’ai prononcés tout à l’heure, il en est deux surtout qui nourriront la discussion, Paul Huet et Charles de Laberge. La vue de Saint-Cloud sera vivement critiquée malgré les belles parties qu’elle renferme. Les figures seront blâmées avec raison. La vue de Rouen recevra de nombreux suffrages ; l’habile combinaison des lignes, l’immensité de la perspective, la forme heureuse et vraie des dunes, la solidité des premiers plans, la pâte légère et floconneuse du ciel, ne laissent rien à désirer. Un paysage tout entier d’invention, un effet de soir, de l’eau sur le bord du cadre, au second plan un bouquet d’arbre, et au fond les ruines rouillées d’une abbaye, valent mieux encore. La vue de Rouen peut lutter avec les Turner ; celui-ci se peut comparer, pour la grandeur et la poésie, aux meilleurs de notre Claude Lorrain. — Le médecin de campagne de M. Charles de Laberge se distingue par une grande finesse, et une exécution très amenée. Les terreins sont bons ; les murs sont crayeux ; les attitudes sont vraies. Mais il est à craindre que la manière de l’auteur ne devienne trop précieuse. Ruysdael