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SALON DE 1833.

nistration d’avoir consulté pour le choix des ornemens, pour le style des voussures, pour le caractère des médaillons, des hommes spéciaux, tels que M. Visconti. Les coquetteries maigres et mesquines du goût impérial ont bien fait de s’effacer devant les études sérieuses et précises. — Nous avons toujours été d’avis qu’il fallait restituer ou inventer en pareil cas. Les dessins de M. Percier, malgré la finesse et la sobriété qu’on ne peut leur refuser, n’auraient pas signifié grand’chose dans les salles qui prétendent reproduire les différens âges de l’art. Or, toutes les fois que les ornemens ne concourent pas à l’effet, il arrive qu’ils font tache.

Les amis de M. Horace Vernet parlent avec éloges d’une grande composition où figurent Raphaël et Michel Ange ; à cet égard j’aurais mauvaise grâce à dissimuler mes préventions : je suis en mesure de les expliquer. Je ne crois pas que l’auteur ingénieux des batailles de Jemmapes et de Montmirail soit capable de se métamorphoser au point de rivaliser, comme on le dit dans quelques salons, avec les grands maîtres d’Italie. Pour peindre les Loges ou le Jugement, il ne suffit pas de prendre la poste et de s’exposer à la mal’aria de Rome ; il ne faut pas avoir joué pendant vingt ans avec son art, pour l’aborder plus tard dans sa partie la plus difficile et la plus haute. Si le travail du génie est la plus grande de toutes les joies, c’est à une condition ignorée de M. Horace Vernet, la défiance de soi-même et la douleur de l’enfantement. Il aura toujours un très joli talent de société ; mais la prudence et la raison lui conseillent impérieusement d’abandonner au plus tôt ses nouvelles ambitions. Qu’il se remette à peindre des scènes de camp et de bivouac, à semer d’épisodes simples et pathétiques les premiers plans d’une mêlée. Personne à coup sûr ne voudra le comparer à Salvator, et il fermera la bouche aux récriminations.

M. Paul Delaroche, comme s’il craignait d’ébrécher les éclatans succès de Mazarin et de Richelieu, de Cromwell et des enfans d’Édouard, n’a rien envoyé. Les nombreux admirateurs de sa manière prudente et sage ont épuisé depuis quelques mois toutes les formules du panégyrisme pour une mort de Jeanne Gray, encore inédite, mais destinée, selon leur avis, à couronner sa gloire : c’est une création inattendue pour l’invention, le style, les détails et le caractère de chaque morceau pris en lui-même. Il y a dans tout cela une chose