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la Diligente, ou que nos bricks de douze à quatorze canons eussent le dessous avec les goëlettes américaines. Les bricks sont supprimés dans la marine militaire des États-Unis. Il en restait deux dans la dernière guerre, dont l’un fut, je crois, brûlé, et l’autre pris à Halifax.

Pensacola, où je passai deux jours, est une petite ville propre et jolie, dont la population est moitié espagnole et moitié américaine. J’en partis le 11 mai avec MM. d’O…, mes compagnons de voyage, dans un char-à-bancs à deux chevaux.

On fait, pour aller à Blakeley, soixante-douze milles à travers de magnifiques futaies, où la vue perce à une grande distance, et sous lesquelles l’herbe s’élève verte comme l’émeraude. La route, du reste, n’a pas dû coûter cher à l’état d’Alabama ; car on s’est contenté de couper les arbres, en laissant les souches en terre. Le gibier abonde dans ces forêts, et à peine y lâche-t-on un chien, qu’il est aussitôt en chasse ; mais il est rare que les habitans de ces bois soient troublés dans leur repos : tout y est solitaire et silencieux. Nous fîmes lever quelques chevreuils et des dindons sauvages le long de la route, ainsi qu’un opossum que nous poursuivîmes dans l’herbe : nous fûmes souvent près de l’atteindre, mais il finit par se blottir si bien dans les broussailles, qu’il fut impossible de le relever. La cabane qui nous servit de gîte à la fin de cette journée était assez misérable : du lait et du pain de maïs, ce fut tout ce qu’on put nous y offrir pour souper. Des palissades s’élevaient autour de la cour pour la protéger contre les attaques des loups, dont les hurlemens nous réveillèrent plus d’une fois pendant la nuit.

Le 12, à cinq heures du soir, nous étions à Blakeley, petit hameau sur la rive gauche de la baie de Mobile, où se jettent le Tombigby et l’Alabama. Nous traversâmes cette baie le lendemain matin en bateau à vapeur, passant au milieu de nombreux cadavres d’arbres, charriés par ce dernier fleuve, et nous abordâmes à la jolie ville de Mobile, fondée par les Espagnols, et dont le commerce de coton est très considérable. Là, nous attendait un superbe et large stage, ou diligence, attelé de quatre beaux chevaux, qui, après quarante-six milles à travers bois, nous arrêta à Pascagoula, à l’embouchure de la rivière de ce nom, sur le lac Borgne. Le steamboat