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restaurations, et par un esprit de conservation, qui fait le plus grand honneur à ses habitans et à ses architectes.

En passant rapidement en revue les principaux monumens antérieurs au dix-septième siècle, j’aurai l’occasion de marquer tout ce qui m’a paru digne de votre indignation ou de votre sympathie. Je commencerai par la cathédrale de Saint-André, l’une des églises les plus remarquables de France, tant par ses constructions anciennes que par les travaux modernes qui y ont été tentés : le chœur et les façades latérales sont de tout point admirables, mais comme à Saint-Étienne de Toulouse, la nef n’est point en rapport avec le chœur ; sa hauteur est moindre d’un tiers ; il en résulte un ensemble incomplet. Le chœur seul est terminé ; on sent que la foi a manqué à ces monumens commencés avec le projet de leur donner une grandeur proportionnée aux villes, et interrompus au milieu de leur éclatante croissance par l’envahissement du doute et de l’égoïsme.

Malgré ce qu’il y a de pénible dans cette différence du chœur et de la nef, Saint-André possède un privilège que je n’ai trouvé qu’à la cathédrale de Metz et à Saint-Ouen de Rouen, celui de n’offrir aucune trace de rapiécetage classique dans la maçonnerie, aucune œuvre postérieure à l’arc-boutant extérieur voisin de la sacristie et à la tribune de l’orgue, dont les piliers sont couverts d’arabesques pleines de grâce. Ces deux additions sont toutes deux de la belle renaissance. Il n’y a de mauvais dans cette église que des marbrures et des boiseries qu’un archevêque de bon goût pourrait facilement faire disparaître. Il faudrait commencer par le grand autel en baldaquin qui est vraiment hideux, tant par sa forme que par son excessive disproportion avec la nef.

Quant aux travaux tout-à-fait récens, cette cathédrale mérite une place spéciale dans l’histoire de l’art, puisqu’elle a été peut-être la première en France à recevoir l’empreinte d’une pensée régénératrice. En 1810, les deux flèches qui s’élèvent à cent cinquante pieds au-dessus de sa façade septentrionale, étant menacées d’une ruine totale, on voulait les abattre ; un architecte, nommé M. Combes, entreprit de les restaurer : il en vint à bout avec un succès complet, et sans altérer en rien leur caractère primitif. Il fit ensuite les galeries qui lient ensemble les piliers de la nef, mais qui malheureusement n’ont pas toute la légèreté qu’on pourrait exiger. Son élève, M. Poitevin, a construit auprès de la façade du nord une sacristie en forme de chapelle, aussi remarquable à l’extérieur qu’à l’intérieur par la parfaite conformité du style et des ornemens avec le style et les ornemens de l’édifice primitif. Il n’y a rien à reprendre, au moins dans la conception de l’architecte. Cela me semble un immense pas vers le bien.