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DU VANDALISME EN FRANCE.

mis, le tendre respect, l’amoureuse adoration des deux anges. Toute la composition est empreinte de cette suavité harmonieuse, de ce goût naïf et pur, de cette simplicité exquise, de cette transparence de couleur, enfin de cette vie surnaturelle et céleste, si bien adaptées aux sujets d’inspiration religieuse, et si universellement répandues sur toutes les œuvres de la divine dynastie qui a régné sur la peinture depuis l’Angélique moine de Fiésole jusqu’à Pinturicchio ; dynastie que Raphaël a détrônée, mais qui n’en sera pas moins toujours celle des princes légitimes de l’art.

Je me laisse aller, mon ami, à une admiration que vous partageriez, j’en suis sûr, si vous aviez été avec moi, et j’oublie mon cloître et mes vandales. À côté donc de cette église se trouve un autre chef-d’œuvre, car on dirait que les chefs-d’œuvre des trois arts se sont donné rendez-vous dans ce coin de terre oublié et presque inconnu dans les environs mêmes. C’est le cloître intérieur de l’ancien monastère, véritable bijou de l’époque la plus brillante de la transition qui a précédé la renaissance, marqué au sceau de l’influence mauresque et orientale qui envahit alors l’imagination française. Je crois qu’il n’existe pas en France un morceau de ce temps plus riche, plus fini, plus orné. Si on avait le courage d’y trouver un défaut, ce serait la profusion des détails, la beauté vraiment trop coquette des ornemens. On est tenté de croire d’abord que l’imagination du sculpteur s’est abandonnée sans frein à ses caprices ; mais en examinant de plus près, on reconnaît qu’il n’y a rien dans cette incroyable abondance qui ne soit strictement en harmonie avec la sainteté du lieu, rien qui n’ait été dominé par une inspiration profondément religieuse. Le trône de l’abbé au milieu des bancs de ses moines, exposés au soleil du midi, est surtout remarquable par un bas-relief qui représente Jésus-Christ portant sa croix, aussi pur de goût que noble et simple d’expression. La souche de chacune des ogives de la voûte est entourée de riches sculptures du même genre, qui reproduisent les principales paraboles de l’ancien et du nouveau Testament ; on distingue surtout Job et ses amis, le mauvais riche, et un très beau groupe du jugement dernier. Ces sculptures se répètent dans les chapiteaux et les plinthes des colonnes qui forment les arcades à ogives par où le jour pénètre dans le cloître. Les fenestrages de ces arcades sont découpées à jour en forme de cœurs ou de fleurs-de-lis. Mais ce qu’il y a de plus admirable dans cette construction, ce sont les pendentifs de la voûte elle-même, sillonnée et surchargée d’arêtes ciselées. Ces pendentifs, qui se trouvent à chaque clef de voûte, se composent chacun d’une statuette d’un travail exquis : c’est tantôt le symbole consacré d’un évangéliste, tantôt un prophète à longue barbe, tantôt un ange ailé, se balançant presque sur une longue banderolle où sont inscrites les louanges de Dieu : toutes ces figures