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DU VANDALISME EN FRANCE.

et les ouvrages avancés, et d’en vendre les matériaux ; et l’on n’y a renoncé, du moins c’est ce qui m’a été assuré, que sur les réclamations de la ville, qui en demandait la conservation comme ornemens publics. Il y a ici un changement de rôles si bizarre, une anomalie si curieuse, que je cite ce détail sans trop y croire moi-même ; ce serait toujours un trait fort honorable pour le conseil municipal de Mareuil, en supposant même que l’esprit de contradiction y entrât pour quelque chose.

Plus loin dans le Périgord, à Bourdeille, on voit de deux lieues de loin la haute tour du château qu’a popularisé et célébré Brantôme. M. de Jumilhac l’a vendu pour six mille francs. Encore plus loin, sur les charmantes rives de la Dordogne, un immense rocher porte les imposantes ruines de Castelnau, château qui a appartenu depuis des siècles à la maison de Caumont La Force. Le duc actuel les a mises en vente pour six cents francs : encore a-t-il eu le chagrin de ne pas trouver d’acquéreur, tant est grand le respect héréditaire que porte à ces vieilles pierres la population environnante.

En Angoumois, Aulnac, sur les bords de la Charente, castel qu’une dépense insignifiante suffirait pour remettre dans un état parfaitement conforme au goût du quatorzième siècle, avec d’autant plus de facilité que l’extérieur n’a subi aucune restauration maladroite ; Aulnac est livré par son propriétaire actuel, M. de Chambonneau, à une ruine graduelle qui deviendra dans peu d’années irréparable.

Près de Toulouse, le même sort attend le célèbre château de Pibrac, qui donna son nom à Dufaur, ambassadeur de France au concile de Trente, qui appartient encore à ses descendans, et que les souvenirs d’Henri iv, qui y a séjourné quelque temps pendant sa vie aventureuse de roi de Navarre, n’ont pu préserver d’un abandon complet. Dans le coin d’une grande pièce à peine fermée, on voit couché à terre et couvert de poussière un tableau sur bois vraiment remarquable du seizième siècle, une adoration des Mages : on a l’air de le regarder comme un devant de cheminée.

En Anjou, Pocé, aux portes de Saumur, fameux dans l’histoire de cette province par les bizarres privilèges que la tradition attribue à ses châtelains, est inhabité et condamné à servir de dépendance à une ferme voisine : bien que dans un état de conservation surprenante à l’extérieur, on ne peut pas même visiter l’intérieur.

Un peu plus loin, en pleine Vendée, sur cette route de Saumur à Thouars, que le plus beau sang de France a si souvent arrosé, on voit, dans une position excellente au-dessus de Thouet, le château de Montreuil-Bellay, immense et majestueux, véritable forteresse, renfermant dans