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moins quand leur mélange ne donne pas lieu à des réactions chimiques qui en altèrent la constitution.

Une autre observation non moins curieuse, c’est que, si après avoir constaté l’angle de déviation produit par l’interposition d’une certaine colonne liquide douée du pouvoir rotatoire, on augmente la longueur de cette colonne liquide par le mélange d’autres fluides tels que l’eau, l’éther ou l’alcool, dont l’action propre est sensiblement nulle, on trouve après ce changement l’angle de rotation exactement le même qu’auparavant ; d’où il résulte évidemment que l’action exercée par les liquides dont il s’agit n’est point une action de masse, mais une action moléculaire, c’est-à-dire exercée par leurs dernières particules et uniquement dépendante de leur constitution individuelle, sans aucune relation avec les positions de ces particules entre elles ni avec leur mutuelle distance.

Les liquides reconnus par M. Biot, comme produisant la polarisation circulaire, étaient jusqu’ici en très petit nombre, ce qui tenait à la nature même des caractères que ce physicien employait pour reconnaître l’existence de la rotation. Depuis il en a trouvé de beaucoup plus sensibles qui sont des conséquences mathématiques des lois qu’il avait établies précédemment, et il a pu constater ainsi le pouvoir de rotation dans un très grand nombre de substances où il n’avait pas cru jusqu’alors qu’il existât.

Dans le premier mémoire dont nous parlons, M. Biot, après avoir exposé les méthodes qu’il emploie pour observer ces phénomènes, les mesurer, les soumettre au calcul et en déduire le pouvoir rotatoire moléculaire de chaque substance, passe aux applications et étudie successivement les différentes classes de corps naturels qui produisent ces phénomènes. Quelques exemples suffiront pour montrer quel avantage on peut tirer dans les recherches de chimie organique des indications fournies par la polarisation circulaire. Proust et presque tous les chimistes après lui, ont considéré comme identiques, les camphres qui se tirent des laurinées et ceux qu’on obtient des labiées. Cependant les premiers exercent la rotation vers la droite, et les autres dans le sens opposé ; c’est donc déjà un moyen de les distinguer, c’est aussi une raison de soupçonner que leurs modes d’action sur l’économie animale pourraient bien différer, et qu’ainsi on se serait trop hâté en avançant qu’ils pouvaient être indifféremment employés en thérapeutique.

La gomme arabique est considérée par les chimistes comme très voisine par sa composition des matières sucrées ; toutefois on reconnaît entre elles certaines dissimilitudes, et le caractère optique dont nous parlons suffirait seul pour l’indiquer : la gomme se distingue nettement des sucres en ce qu’elle opère la déviation à gauche quand les sucres l’opèrent à droite. Ceux-ci à leur tour se différencient par l’inégalité qu’on remarque dans