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REVUE DES DEUX MONDES.
II.

Or, en les écoutant, je m’approchai, dans l’ombre,
D’un moine, qui, caché sous son grand manteau sombre,
Et libre en son parler d’hypocrite jargon,
Causait en s’appuyant sur le bras d’un dragon ;
Ce Gatti, disait-il, et vous pouvez me croire,
Car je le connaissais, et je sais son histoire,
Ce Gatti, donc, était garde-noble : ravi
D’amour, il faisait l’œil à la Campinovi,
Coquette du Corso, cette femme si belle
Qu’un Anglais, l’an dernier, s’empoisonna pour elle ;
Se voyant dédaigné, lassé de ses mépris,
D’un grand dégoût de vivre à la fin il fut pris :
Il s’est tué. Nous donc, prions Dieu pour son âme !…
« Frère, lui répondis-je, ah ! prions pour la femme !
« Pour la femme, qui fait qu’à cette heure de nuit,
« Parmi ces inconnus, au milieu de ce bruit,
« Un père au désespoir, dont les vieilles paupières,
« Suivant l’ordre, auraient dû se fermer les premières,
« Tient le corps de son fils entre ses bras tremblans,
« Et dans ce jeune sang trempe ses cheveux blancs !
« Moine, je te le dis, ah ! prions pour la femme !
« Ce sont elles, vois-tu, dont la vie est infâme,
« Et qui, pour expier leurs plaisirs dépravés,
« Devraient s’user la lèvre à baiser les pavés ! »

III.

— Ah ! femmes d’Italie, en ce temps où nous sommes,
Si vous laissez mourir pour vous les jeunes hommes,
Ce n’est pas chasteté, ni devoir ; c’est qu’au fond,
Vous sentez mal un cœur, et son amour profond.