Or, en les écoutant, je m’approchai, dans l’ombre,
D’un moine, qui, caché sous son grand manteau sombre,
Et libre en son parler d’hypocrite jargon,
Causait en s’appuyant sur le bras d’un dragon ;
Ce Gatti, disait-il, et vous pouvez me croire,
Car je le connaissais, et je sais son histoire,
Ce Gatti, donc, était garde-noble : ravi
D’amour, il faisait l’œil à la Campinovi,
Coquette du Corso, cette femme si belle
Qu’un Anglais, l’an dernier, s’empoisonna pour elle ;
Se voyant dédaigné, lassé de ses mépris,
D’un grand dégoût de vivre à la fin il fut pris :
Il s’est tué. Nous donc, prions Dieu pour son âme !…
« Frère, lui répondis-je, ah ! prions pour la femme !
« Pour la femme, qui fait qu’à cette heure de nuit,
« Parmi ces inconnus, au milieu de ce bruit,
« Un père au désespoir, dont les vieilles paupières,
« Suivant l’ordre, auraient dû se fermer les premières,
« Tient le corps de son fils entre ses bras tremblans,
« Et dans ce jeune sang trempe ses cheveux blancs !
« Moine, je te le dis, ah ! prions pour la femme !
« Ce sont elles, vois-tu, dont la vie est infâme,
« Et qui, pour expier leurs plaisirs dépravés,
« Devraient s’user la lèvre à baiser les pavés ! »
— Ah ! femmes d’Italie, en ce temps où nous sommes,
Si vous laissez mourir pour vous les jeunes hommes,
Ce n’est pas chasteté, ni devoir ; c’est qu’au fond,
Vous sentez mal un cœur, et son amour profond.