Il venait de l’apprendre. Or, sur la place obscure
La foule se pressait, voulant voir la blessure,
Comme elle fait partout, et j’entendais ces voix
Du peuple, nasillant et criant à la fois :
Ah ! quel malheur, Jésus ! ciel ! un si beau jeune homme !
Un fils unique auquel son vieux père économe
Amassait des écus ; se tuer, se damner,
Quand on a de quoi vivre et toujours à dîner !…
Puis une voix de femme : ah ! quelle horrible affaire !
Non, sor Gaëtano, je ne peux pas m’y faire ;
Moi, qui l’ai par la main promené tout petit
Dans le temps des Français ! Ah ! qui l’eût jamais dit !…
C’est moi qui le portais à côté de sa mère,
Alors que de l’exil revint notre saint père,
En dix-huit cent quatorze, au Vatican, le soir,
Et qui, dans mes deux bras l’élevant, lui fis voir,
Le beau feu d’artifice et l’ardente coupole !
Pauvre petit, je crois que j’en deviendrai folle !
Ce matin même encore à l’endroit que voilà,
Il m’a crié de loin : Bonjour, sora Nanna !…
Et dire qu’à jamais c’est une chose faite !…
Une vieille ajoutait, tout en branlant la tête :
Je vous l’avais prédit, moi, qu’il finirait mal !
C’était un libertin, passant les nuits au bal,
Un vrai carbonaro, grand faiseur de mystère,
Hantant, matin et soir, ces païens d’Angleterre !
Jamais je ne l’ai vu priant dans le saint lieu ;
Car, lorsqu’il y venait, ce n’était pas pour Dieu,
Comme font les chrétiens et les dévotes âmes :
C’était pour présenter de l’eau bénite aux dames.
Aux pays du midi comme aux pays du nord,
Tel s’agite le peuple alors qu’un homme est mort
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LE COMTE GATTI.