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la capitale du monde chrétien réduite à emprunter à ses provinces les hommes qui ont fait sa gloire. Parmi les grandes célébrités qu’offre l’histoire moderne de l’Italie, on pourrait à peine citer un seul Romain. Dans une ville où le servilisme et la bassesse sont presque les seuls moyens d’avancement, les hommes distingués sont accablés de dégoûts, et se trouvent en butte à tous les genres de persécution. Il y a à peine six ans qu’un maestro del sacro palazzo (espèce de censeur pontifical) fut puni pour avoir laissé publier une thèse où l’on soutenait le mouvement de la terre. Nous tenons de la bouche même de M. de Humboldt, que, lorsque ce célèbre voyageur accompagna le roi de Prusse à Rome, en 1823, ayant eu occasion de parler avec le pape Pie vii (dont toute l’Europe admirait les lumières), d’une aérolithe qui venait de tomber dans les marais Pontins, il lui expliqua à ce sujet les diverses hypothèses des physiciens sur l’origine de ces corps extraordinaires. Le saint père, qui l’écoutait d’un air d’incrédulité, l’interrompit à la fin, en lui disant : « Non, monsieur, ces corps ne peuvent être que des morceaux de la sphère de cristal, qui tombent sur notre globe. » Enfin, lorsque, dans les dernières années, la commission instituée pour la propagation de la vaccine fut dissoute, les médecins de Rome réclamèrent vainement contre l’absurdité de cette mesure, en faisant observer que la mortalité des enfans augmenterait dans une proportion effrayante. La réponse qu’ils obtinrent du gouvernement fut celle-ci : « Dans ce siècle corrompu, les gens qui vont en paradis sont si rares, qu’il vaut mieux laisser mourir les enfans, qui formeront la conscription du ciel. »

La ville de Rome est si riche en monumens anciens et en grands souvenirs, que les Romains sont naturellement portés vers l’archéologie. C’est l’aspect de tant de merveilles qui frappa l’imagination d’Ennius Quirinus Visconti, et développa en lui les germes de son aptitude extraordinaire pour l’étude de l’antiquité. Les bibliothèques de Rome renferment de précieux dépôts historiques, mais la jalousie du gouvernement empêche qu’on ne publie les manuscrits modernes les plus intéressans. Les découvertes philologiques de Mai dont nous avons déjà parlé, les recherches importantes de Lanci sur les langues sémitiques, et les travaux d’Amati, savant helléniste, ont fixé l’attention des érudits. L’archéologie romaine