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plus vivement que les autres. La pièce, envisagée dans sa totalité indivisible, intéresse comme un panorama, un spectacle pyrotechnique, comme les manœuvres d’une armée ; mais la préférence est impossible.

Si je ne parle pas des lazzi de Gubetta et de ses triviales plaisanteries sur la queue du diable vissée à son échine, ni des quolibets débités à Venise, sur Satan et sur le pape, c’est que je crois avoir constaté que M. Hugo tient aux monstruosités grotesques, comme les architectes du quatorzième siècle tenaient à mettre dans le portail d’une cathédrale des grenouilles et des crapauds, comme l’aristocratie féodale de la même époque aux fous et aux nains dont ils bariolaient leurs fêtes.

Cependant le public a paru content ; je ne puis le nier sans mentir. Je n’ai pas surpris un moment d’impatience ou d’ennui. Le silence alternait avec les battemens de mains. Pourquoi ?

III. LE PUBLIC.

Comment est-il arrivé, à trois ans de distance, que le même auditoire qui avait accueilli par des murmures, des rires et des huées, Hernani et Marion, s’est montré silencieux et docile à la volonté du poète pendant quatre heures ? Lequel des deux a changé, de l’artiste ou du spectateur ? Je crois être sûr que le public est demeuré le même, car les idées populaires ne vieillissent pas si vite qu’on le pense communément ; aujourd’hui même, il y a encore plusieurs quartiers de Paris qui préfèrent très sérieusement Boieldieu à Rossini, et je ne voudrais pas compter sur mes doigts toutes les familles pour qui M. Arnault est un homme très supérieur à M. Hugo. — Il faut plus de trois ans vraiment, pour effacer les préjugés littéraires de la foule.

Mais maintenant que les jugeurs de profession ont une moindre prise sur l’opinion de la multitude, les passions les plus grossières reprennent le dessus. Les salons, il faut bien l’avouer, ne s’occupent guère de littérature. Les aventures de bourse et les querelles de