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Ferdinand v et de Henri viii ; il voulut élever sa puissance sur les ruines de l’aristocratie. Toutes les grandes et illustres familles qui faisaient obstacle à l’unité personnelle de ses ambitions, il en eut raison par le meurtre, l’empoisonnement, la prison, les alliances, les promesses, la perfidie. Roderigo Lenzuoli, l’amant de Rosa Venozza, chargé à son début, par Sixte iv, d’arranger les différends des rois de Portugal et d’Aragon au sujet de la Castille, celui qui, à son retour, épiait les derniers soupirs d’Innocent viii, et achetait les suffrages des cardinaux Sforza, Riario et Cibo, pouvait-il reculer devant les petits princes qui se partageaient alors l’Italie ? Les Bentivoglio, les Malatesta, les Manfreddi, les Colonna, les Montefeltri, les Orsini, les Vitelli, les Savelli, pouvaient-ils arrêter long-temps un homme, qui, lorsqu’il prit la tiare à soixante ans, savait son Europe comme Philidor son échiquier ?

Il n’eut jamais qu’un but, l’agrandissement illimité de sa maison ; et pour l’atteindre, il sut mettre à profit toutes les faiblesses de ses adversaires, qu’il prenait au besoin pour alliés, en attendant qu’il pût les combattre par une alliance plus puissante. Les projets romanesques de Charles viii sur le royaume de Naples et sur l’empire ottoman, les querelles de Bajazet et de son frère s’offrirent à lui comme une première et magnifique occasion. Il échangea l’alliance de Venise et de Milan contre celle d’Alphonse de Naples, et il obtint pour Guifry Borgia la principauté de Squillace, le comté de Cariati, et doña Sancia, fille de Ferdinand ; pour César Borgia, une riche dotation ; pour François Borgia, duc de Gandia, d’immenses revenus et le commandement des armées.

Les rapides victoires de Charles viii obscurcirent un instant sa fortune. Il signa des promesses qu’il comptait bien violer. Bientôt l’amour de Louis xii pour Anne de Bretagne valut à César Borgia le titre de duc de Valentinois, la fille d’Albret, roi de Navarre, et une pension sur le trésor royal de France.

Le partage du royaume de Naples, convenu entre Ferdinand-le-Catholique et Louis xii, reçut secrètement l’approbation d’Alexandre vi. Ludovic Sforza surprit et publia ce complot de spoliation. Tous les imprudens soupçonnés d’avoir favorisé cette indiscrétion s’enfuirent chez le cardinal Colonna, qui lui-même se cacha plus tôt que de les livrer. Capra, évêque de Pesaro, désigné par la voix