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faire aussi une sorte d’hypothèse fondamentale, de formule générale, pour se rendre compte des faits primordiaux de la connaissance humaine, c’est-à-dire du moi, du monde et des rapports du monde et du moi ; puis il a ensuite appliqué cette sorte d’hypothèse ou de formule à diverses branches d’études.

La philosophie de la nature a été l’une de ces applications, ou si on l’aime mieux, l’une des transformations de la formule générale.

Cette philosophie, comme on pourrait peut-être le supposer d’abord, si l’on voulait s’en faire une notion, en se plaçant au point de vue du sensualisme, n’est nullement une science d’observation : sa manière de procéder n’est pas de conclure des faits particuliers aux faits généraux ; de s’élever de l’observation des phénomènes aux lois qui régissent ces phénomènes, aux théories qui les expliquent. Son point de départ est tout au contraire celui que nous venons d’indiquer, c’est-à-dire, une hypothèse primitive, fondamentale qu’elle pose à priori ; puis dont elle va chercher ensuite la vérification dans le domaine de la nature, au moyen de l’observation. Imaginez une des idées de Platon, tombant du royaume intelligible, et s’incarnant par degrés au sein de la réalité terrestre : telle est sa marche.

Pour donner au lecteur quelque notion de cette philosophie, je devais donc, avant tout, m’attacher à lui faire connaître l’hypothèse à priori dont elle fait son point de départ. Je devais m’attacher à lui faire entrevoir, à travers ses diverses transformations, l’idée dont cette philosophie semble poursuivre les incarnations successives. Une autre raison devait, en outre, me déterminer à agir, comme je l’ai fait : c’était de rendre plus manifeste le véritable rang qu’occupait la philosophie de la nature dans l’ensemble des spéculations philosophiques de M. de Schelling.

M. de Schelling n’a jamais, en effet, développé d’une manière très complète ou du moins très détaillée cette portion de sa philosophie, qu’à défaut d’une expression plus propre à rendre ma pensée, j’ai appelée sa formule générale. À peine lui a-t-il consacré, il y a déjà de longues années, quelques pages d’un recueil périodique devenu fort rare. Il n’en a pas non plus fait un usage très varié en dehors de la philosophie de la nature, tandis qu’il a voué à cette