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moyens, perdu ledit bel art dramatique, et ruiné le théâtre français en même temps que les illustres vieillards ci-dessus et plus amplement qualifiés.

Voici quelques-uns des principaux griefs soulevés par M. Alexandre Duval contre M. Victor Hugo.

Vous avez voulu détruire, s’écrie d’abord l’illustre académicien, s’adressant directement à M. Victor Hugo ; vous avez voulu détruire ces grands monumens littéraires auxquels nous autres auteurs de l’empire avions enchaîné notre gloire et notre fortune. — M. Alexandre Duval ne désigne pas d’ailleurs plus particulièrement ces grands monumens littéraires bâtis sous Napoléon. Mais on comprend de reste de quoi veut parler l’auteur du Tyran domestique et de la Fille d’honneur.

M. Alexandre Duval reproche encore à M. Victor Hugo d’avoir organisé une espèce de garde prétorienne romantique, une légion de démons barbus qui poursuivent les auteurs des anciens jours avec des grincemens de dents, des coups de griffe, des hurlemens et des cris de mort. M. Alexandre Duval avoue que, jusqu’ici, ces méchans diables ne l’ont encore, il est vrai, ni égratigné ni mordu ; mais il se plaint amèrement d’avoir été traité par eux de fossile, de perruque, d’épicier et d’académicien.

M. Alexandre Duval estime que la nouvelle école n’a pas fait un grand progrès en substituant les boulettes de poison aux coups de poignard. La boulette de poison, dit-il, est beaucoup plus immorale, et d’ailleurs c’est un moyen qu’on ne peut varier.

Je pense aussi que le coup de poignard mérite la préférence, en ce sens qu’il est facile de le donner en cent endroits et de cent façons, tandis qu’il n’y a qu’une manière d’avaler la boulette de poison. Mais que l’un soit plus moral que l’autre, c’est ce qu’il ne m’est point permis de comprendre. La distinction est sans doute pour moi par trop subtile.

M. Alexandre Duval essaie ensuite de donner une idée de la poétique suivie par tous les auteurs de son temps jusqu’au moment où il a plu à M. Victor Hugo de commencer sa révolution. Or, du temps de M. Duval, après le choix du sujet, le premier but que se proposait l’écrivain dramatique était d’en tirer une conséquence morale, le second d’intéresser au sort de tels ou tels héros, connus ou inconnus, vertueux ou coupables, — peu importait — du temps de M. Alexandre Duval ; la conséquence morale était toujours tirée, pourvu que le héros obtînt l’intérêt par des qualités qui l’élevaient au-dessus du vulgaire. — Le troisième but qu’on se proposait en ce temps-là, était d’environner les héros de figures secondaires propres à faire ressortir leur caractère ou à émouvoir leurs passions ; le quatrième de faire jouer tous ces personnages dans la chaîne d’une intrigue claire et pourtant variée ; le cinquième, de les faire parler, selon le temps, la circon-