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je suis dévoué à l’Espagne comme à ma religion. » Il s’était entouré de ses nouveaux sujets. Sa cour, à l’exception de quelques généraux français, dévoués depuis long-temps à sa fortune, ne renfermait que des Espagnols. Les grands officiers de la couronne, les premiers officiers du palais, sauf les généraux dont j’ai parlé, avaient tous été choisis dans les familles illustres de l’Espagne.

Ne voulant rien changer au sort des Espagnols attachés aux rois ses prédécesseurs, il avait admis dans sa maison tous ceux d’entre eux qui lui avaient offert leurs services. Les pages au nombre de quarante, que leurs fonctions particulières attachaient à sa personne, étaient tous espagnols, excepté moi. Parmi ces jeunes gens des premières familles de l’Espagne, on remarquait même, comme je l’ai dit plus haut, les fils de quelques-uns des généraux insurgés. Joseph, ne considérant pas ces enfans comme responsables de la conduite de leurs parens, leur accordait la même bienveillance qu’aux fils de ses sujets les plus dévoués : jouissant des mêmes faveurs et des mêmes priviléges que leurs camarades, quand leur tour de service arrivait, ils l’accompagnaient dans ses promenades solitaires à la Casa del campo, et dans les parties de chasse, ils avaient, comme les autres, le soin de porter et de charger sa carabine.

La garde royale, dont je parlerai plus au long dans la suite de ces Mémoires, se composait, comme celle du roi Charles iv, de régimens espagnols et de régiments étrangers. Les régimens étrangers étaient suisses ou wallons du temps de Charles iv ; pendant le règne de Joseph, ils se recrutèrent parmi les soldats français.

Joseph ne confia à aucun Français les importantes fonctions du ministère. Elles furent exclusivement réservées aux Espagnols. Tous ses ministres avaient été conseillers d’état ou ministres sous les Bourbons, c’étaient MM. Azanza, O-Farill, Cabarrus, Urquijo, Almenara, Mazarredo, etc : Les tribunaux, les municipalités, les préfectures, tous les établissemens civils, le conseil d’état (à une seule exception près), les conseils du commerce, n’étaient remplis que d’Espagnols. Les Français n’occupaient que les dignités militaires, où néanmoins l’on remarquait encore un grand nombre d’Espagnols.

Le règne de Joseph avait laissé en Espagne des germes de prospérité qui auraient pu être développés. Il a été marqué par des actes et des travaux qui passeront à la postérité. Madrid avait be-